Un vibrant hommage a été rendu vendredi au célèbre poète Si Moh U M'hand, ciseleur de verbe hors pair, par la maison de la culture de Tizi Ouzou, l'association culturelle éponyme. Décédé le 28 décembre 1905, Si Moh U M'hand a marqué d'une empreinte indélébile la poésie kabyle. Cet hommage rendu à ce poète de l'exil et de la souffrance, qui a vécu durant la seconde moitié du XIXe siècle, a donné lieu au fleurissement de sa tombe, par une délégation d'hommes de culture, dont notamment des poètes, située au lieudit «Assekif N'tmana» (le toit protecteur), sur les hauteurs de la commune de Aïn El Hammam, à une cinquantaine de km au sud-est de Tizi Ouzou. Le parcours de ce troubadour infatigable, qui a sillonné, à pied, l'Algérie d'ouest en est, a fait de lui un témoin privilégié des événements douloureux et tumultueux vécus par le pays en cette période d'expansion coloniale, est également restitué par la projection d'un film intitulé Si Moh U M'hand, l'insoumis, réalisé par Lyazid Khodja. Les adeptes de la poésie kabyle ancienne, versifiée dans la pure tradition du maître de la métaphore et de la réplique que fut Si Moh U M'hand, ont eu également la possibilité de se délecter de poèmes déclamés oralement ou exposés dans des recueils étalés dans le hall de la maison de la culture. Si Moh U M'hand, ou Mohand Hamadouche de son vrai nom, est présumé né en 1845 au village Icheraiouene, dans la localité de Tizi Rached, wilaya de Tizi Ouzou. Témoin de son temps, sa poésie constituait un miroir fidèle dans lequel se reconnaissaient ses concitoyens, surtout les plus humbles et les plus souffrants sous le joug colonial. Il goûta à l'amertume du déracinement dès sa plus tendre enfance, lorsque ses parents durent fuir le village natal d'Icharaiouene, rasé en 1857 par le maréchal Randon, pour y fonder le «Fort Napoléon», l'actuel Larbaâ Nath Irathène. Suite à l'insurrection de 1871, la Kabylie fut soumise à des expéditions punitives. Les Ath Hamadouche, comme beaucoup de familles rebelles, payèrent un lourd tribut, consistant en l'exécution de son père, Mohand Améziane, et la déportation de son oncle paternel, cheikh Arezki, en Nouvelle Calédonie, ainsi que la séquestration de ses biens. Cet amer destin a affecté profondément l'âme sensible du poète qui, muri par tant d'«épreuves douloureuses, fit de sa souffrance, indissociable de celle de ces concitoyens, une source d'inspiration pour exprimer la révolte des siens contre l'ordre colonial, en versifiant des poèmes épiques s'échappant limpidement, goutte à goutte, de son cœur creusé par l'érosion du temps». Errant au gré du hasard avec son bâton de pèlerin, sans autre but que celui de déclamer ses poèmes pour consoler ses semblables, Si Moh se déplaçait constamment, à pied, à travers les différentes régions du pays, arrivant jusqu'en Tunisie.