Le président de la JS Saoura, Mohamed Zerouati, l'agent de joueurs FIFA, Nouri Benaïssa, et Imad Barka, un individu qui gravite autour du corps arbitral, ont été condamnés à 18 mois de prison ferme, un million d'amende chacun et 200 000 DA d'amende au titre de dommages et intérêts au profit du CA Batna, dans le cadre de l'affaire de corruption présumée de joueurs du CAB par la JSS, hier au tribunal de Aïn M'lila. Dans la matinée, le procureur avait requis la peine de 18 mois de prison ferme et 50 000 DA d'amende à l'encontre des trois personnes. Le président de la JSS n'a pas caché sa «profonde déception après l'annonce de ce verdict qui anéantit des années d'efforts et de travail consentis en faveur de la jeunesse du Sud. La JS Saoura est totalement innocente des accusations portées contre elle depuis plus de 6 mois par des parties qui n'ont eu cesse de recourir à la manipulation pour arriver à leurs fins». L'affaire remonte à l'automne dernier. A la veille de la rencontre CAB-JSS comptant pour la 8e journée du championnat de Ligue 1, le président du club batnéen, Farid Nezzar, a dénoncé «une tentative de corruption de joueurs du CAB par des intermédiaires agissant au nom de la JSS». Pour appuyer ses accusations, il a présenté un enregistrement vidéo montrant deux véhicules en stationnement, portières ouvertes, avec un enregistrement sonore (de qualité) où l'on entend des protagonistes proposant à un joueur du CAB une somme d'argent en contrepartie de «lever le pied» pour favoriser la victoire de l'équipe visiteuse. Ceux qui mènent la discussion sont clairement identifiés. C'est Nouri Benaïssa (agent de joueurs FIFA) et une personne répondant au prénom de Imad, un homme de confiance très connu dans le milieu du football et des joueurs, habitué à «travailler» ce type d'arrangement de match. Pour «rassurer» le joueur du CAB, Nouri Benaïssa affirme : «Je parle au nom du président Zerouati.» A priori, Nouri Benaïssa, Imad et les joueurs ciblés «avaient l'habitude de travailler ensemble pour fausser les résultats des matchs», affirme une source proche du dossier. Dès que l'affaire éclate, Mohamed Zerouati nie avoir un quelconque lien avec cette affaire et Nouri Benaïssa. Le président du club a rapidement saisi la Ligue de football professionnel (LFP) et médiatisé à fond cette affaire. La presse s'en est rapidement saisie en lui donnant l'importance qui sied à ce type de situation. Les instances du football ont pris acte de ce qu'a avancé le CAB et lui ont indiqué la voie à suivre. C'est-à-dire recourir à la justice. Comme première mesure conservatoire, elles ont suspendu d'effet la licence d'agent de joueurs FIFA de Nouri Benaïssa. Afin que toute la lumière soit faite sur cette sordide affaire, Farid Nezzar sollicite, via la justice, un opérateur de téléphonie mobile pour obtenir le listing des appels téléphoniques des intéressés les jours qui ont précédé et suivi la rencontre CAB-JSS. LA VOIE EST OUVERTE «Le résultat a dépassé ses espérances», note un proche du président du club aurésien. Selon des sources concordantes proches du dossier, «le lien a été bien établi que les personnes citées ont bel et bien manœuvrer ensemble pour corrompre des joueurs du CAB pour qu'ils facilitent la victoire de la JSS». C'est sur la base du document (listing) fourni par l'opérateur de téléphonie que le juge a pu établir la responsabilité des trois mis en cause. C'est la première fois dans les annales du football algérien que la justice algérienne prononce ce type de peine pour une affaire de tentative de corruption présumée. Les sportifs et amateurs de football désespéraient de voir un jour la justice se saisir, d'abord de ce type d'affaire, et se prononcer, ensuite, comme elle l'a fait hier à Aïn M'lila. Cette affaire, quel que soit son jugement définitif, ouvre enfin la voie à la lutte contre ce fléau qui a gangrené le ballon rond. Quelle suite sera donnée à la décision prononcée par le juge ? C'est la question qui brûle toutes les lèvres. Normalement, forte de ce jugement rendu par la justice civile, la LFP doit recourir à l'article 122, chapitre corruption, du règlement des championnats de football professionnel qui énonce : «Sans préjudice des poursuites judiciaires éventuelles, toute personne ayant promis, offert, octroyé un avantage de quelque nature qu'il soit, à un membre de la fédération ou des ligues, officiel de match, arbitre, commissaire au match, dirigeant, joueur, dans le but d'arrangement d'une rencontre, de falsification de document ou pour toute raison portant atteinte à l'éthique sportive est sanctionnée suivant l'article 80 du code disciplinaire.» CE QUE PREVOIT L'ARTICLE 80 Pour savoir ce qu'encourent les fautifs, voici ce qu'indique l'article 80 du code disciplinaire de la LFP : «La corruption ou tentative de corruption est sanctionnée comme suit : interdiction à vie d'exercer toute fonction et/ou activité en relation avec le football pour le contrevenant. Suspension de l'équipe pour la saison en cours et rétrogradation du club en division inférieure. 200 000 DA pour la personne fautive. Un million d'amende pour le club. En outre, la structure concernée peut engager des poursuites judiciaires à l'encontre de l'auteur de cette infraction.» La LFP va agir en fonction de la décision de justice. Son président, Mahfoud Kerbadj, a signifié sur les ondes de la Chaîne III que «même si la JSS sera rétrogradée, le CAB ne sera pas repêché en Ligue 1». Cette déclaration n'a pas plu, c'est le moins que l'on puisse dire, au CAB qui réclame de «surseoir à l'établissement du calendrier de la saison 2013-2014 en attendant le rétablissement du CAB dans tous ses droits», c'est-à-dire le maintien en Ligue 1 que le président de la LFP n'entend pas entériner cette option si l'on se fie à sa déclaration initiale. Zerouati, Benaïssa et Imad disposent de 10 jours pour faire appel de cette décision auprès du tribunal d'Oum El Bouaghi. Pour le président de la JSS, joint hier après l'annonce du verdict, «il s'agit d'une affaire montée de toutes pièces contre notre club et tout ce qu'il représente dans la région». Pour son avocat, Mourad Boutadjine, «la célérité avec laquelle l'affaire a été traitée aujourd'hui renseigne sur les motivations qui, malheureusement, nous échappent et qui ont conduit à ce verdict. Nous allons introduire un appel auprès du tribunal d'Oum El Bouaghi et la Cour suprême s'il le faut». Cette affaire qui est loin d'avoir livré tous ses secrets va sans nul doute éclabousser l'image du football algérien. Elle ouvre une nouvelle page de son histoire tumultueuse.