Salut Mohamed. Depuis trois ans déjà. Le monde est plus que jamais fou. Où est cette critique de la raison islamique à laquelle nous rêvions pour t'avoir tant de fois entendu. Quand s'en viendra-t-elle ? Nous sommes dans les ténèbres. Et ce n'est pas d'hier. Souviens-toi. C'était en juillet 1980 à une de ces conférences de la pensée islamique qui façonna l'internationale islamique. Y avait-il déjà un prince qatari caché derrière le président de séance ? Peu probable et pourtant tu quittas la salle sous les huées des invités de Mouloud Kacem. La curée était conduite par l'Egyptien El Quaradahoui, – Asma Benkada, son ex-répudiée, dirige aujourd'hui la Commission sur la culture et l'enseignement supérieur de l'Assemblée ; je te l'avais dit, un monde de fous ! «Kafer ! Kafer !», l'excitation était à son paroxysme, et l'estocade a été portée dans le silence complice des organisateurs : «Faites-le sortir ! Faites sortir l'athée !» Il y avait là aussi Mohamed El Ghazali, un autre Egyptien, nommé par Chadli aux commandes du Conseil scientifique de l'université islamique Emir Abdelkader de Constantine, celui-là même qui condamna à la mort l'intellectuel Farag Foda assassiné le 8 juin 1992 dans une rue du Caire. L'instigateur sera appelé à la barre du procès du meurtrier comme témoin de moralité ! Un monde de fous. Tu devais parler 20 minutes, au bout de 5 minutes tu quittas la salle. C'était ta dernière conférence publique en Algérie, me semble-t-il. Dans ce séminaire de la pensée islamique, on a mis la pensée à la porte. On a laissé une place au fanatisme, à la bêtise noire, de cette couleur du fascisme, de la mort. Le ministre des Affaires religieuses ne s'est pas levé. Les travaux ont repris. Ce juillet 1980, c'était ta pensée, ton travail, ta science, les espoirs que tu soulevais chez des centaines et des centaines d'étudiants, et chez tes lecteurs encore plus nombreux de voir les Lumières et la religion réconciliées – ta grande idée – qui étaient piétinés dans ce palace d'ambition moderniste, image trompeuse de l'ère Boumediène. J'ai retrouvé sur un blog le témoignage du cheikh El Djilali dans une émission de radio de Djilali Khellas, (1990). Il courut derrière toi, et essaya en vain de te convaincre de rester. Il dit que tu avais les larmes aux yeux et que tu éclatas en sanglots. Que c'est émouvant, beau et admirable un homme qui pleure parce que la barbarie envahit le monde et son pays. Qu'est-ce un homme, s'il n'est pas un humaniste ? www.facebook.com/wassylatamzali