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«Les sciences humaines et sociales doivent recouvrer la place qui leur sied dans l'enseignement supérieur» Mohamed Benguerna, directeur de recherche au CREAD
À l'ère de la mondialisation, le développement technologique n'est plus l'apanage des seuls techniciens. Mohamed Benguerna, sociologue et maître de recherche au Centre de Recherche en Economie Appliquée pour le Développement (CREAD), Il nous livre dans cet entretien une analyse sociologique à propos du rôle des sciences humaine et sociale dans le développement. -Selon vous, quel serait le rôle des sciences sociales dans le développement technologique ? La mondialisation et la modernisation des entreprises nous imposent de redéfinir le rôle des SHS dans le développement technologique. Des collègues chercheurs et moi-même nous nous sommes penchés sur cette question et nous travaillons toujours pour arriver à réaliser la meilleure intégration des sciences humaines dans les écoles d'ingénieur. Je pourrai vous citer ma propre expérience en tant qu'enseignant associé à Ecole nationale polytechnique d'Alger où j'ai enseigné la sociologie des organisations. Au début, mes étudiants, de futurs ingénieurs, étaient réticents. Ils ne voyaient pas l'intérêt d'une telle discipline dans leur cursus, mais très vite ils ont adhéré et ils ont pris conscience de toute la richesse de ce savoir et son apport capital dans leur formation et pour leur future insertion professionnelle. -Concrètement, comment ces enseignements peuvent-ils rendre meilleur un technicien ? L'apport des sciences sociales dans la formation des cadres techniques est crucial, que ces cadres soient ingénieurs, banquiers ou managers d'entreprise. J'ai eu l'occasion de revoir mes anciens étudiants, et je constate qu'ils ont apprécié un tel apport dans leur quotidien professionnel au sein de l'entreprise, notamment quand ils se retrouvent face à des situations de conflits, de résistance et de négociation. Ce sont leurs connaissances en sociologie qui viennent alors à la rescousse pour le management des ressources humaines ou la résolution d'autres contrariétés relatives à des questions culturelles et sociales. Enfin, j'aimerais préciser que notre apport au sein des universités technologiques et des écoles d'ingénieurs consiste à sensibiliser les étudiants à la dimension humaine de l'entreprise et non pas d'en faire un sociologue. Il y a tout un travail de dosage à mettre en œuvre dans la conception des modules, mais aussi et surtout toute une démarche pédagogique active afin de faire sentir à l'étudiant ce besoin d'apport de la sociologie. -L'intégration des enseignements des SHS dans les écoles d'ingénieurs peut-elle être élargie à d'autres filières des sciences dites «dures» ? Et qu'en est-il des diplômés des SHS ? Peuvent-ils collaborer avec leurs collègues scientifiques dans des travaux de recherche ? Justement, je milite avec mes pairs pour la création et l'intégration de départements de sciences humaines et sociales ou «d'humanités» dans l'établissement d'enseignements universitaire techniques, les écoles d'ingénieurs et les écoles de management. Les sciences humaines et sociales doivent recouvrer la place qui leur sied dans l'enseignement supérieur, la recherche scientifique et l'innovation. Je suis un fervent défenseur de la multidisciplinarité dans la recherche scientifique. A mon avis, c'est par la collaboration de ces deux cultures scientifiques et humaines que nous parviendrons à tisser la confiance, l'espoir et stimuler l'initiative pour le développement et le progrès technologique de notre société.