La stratégie de défense des Etats-Unis et le nouveau redéploiement stratégique américain». De prime abord, l'aguichant intitulé de la conférence – la première du cycle programmée par l'Ecole supérieure des Sciences politiques –, associé à la qualité du conférencier : Ben Yakhou Ben Dokha, un colonel de l'ANP ayant fait ses armes dans les maquis de Chréa (Blida) avant d'être catapulté attaché militaire à l'ambassade d'Algérie à Washington, promettaient lumières et étincelles. Il n'en fut si peu. L'assistance est restée sur sa faim tant le sujet traitant de l'état et stratégie de l'empire était servie sur un «mode descriptif» (critique d'un universitaire) et la dose (ennuyeuse) de «réserve» injectée par le conférencier visiblement tétanisé par les postes occupés et les enjeux impériaux. Pour preuve, lorsque la journaliste de Liberté, Hafida Ameyar, ose un «quel regard porte aujourd'hui la superpuissance américaine sur l'Algérie ?», elle se verra répondre par un : «C'est effectivement une question d'actualité. Je ne vous répondrai pas pour autant.» Pas «très académique» ! Si. Le colonel a récité le bréviaire de la politique de défense américaine depuis la «doctrine Monroe», l'isolationnisme comme fondement de la politique étrangère des Etats-Unis (introduit en 1823 par le président James Monroe) en passant l'interventionnisme tous azimuts du siècle dernier jusqu'à la nouvelle «stratégie de retranchement» faite sienne par l'Administration Obama. Chiffres à l'appui, en rafale, le colonel Ben Dokha donnera l'étendue de la superpuissance américaine, son potentiel militaire, (budget, effectif, etc.), économique, énergétique même s'il admet que le débat sur le déclin de l'empire procède d'une vertu certaine. «Bien entendu, les Etats-Unis gardent de nombreux atouts et il est important de constater combien ils demeurent au centre du système international en terme de domination matérielle. Pourtant le débat du déclin (…).» La fin du monde unipolaire ne signifie pas, affirme l'invité de Sciences-po, le retour au système bipolaire précédent la chute du Mur de Berlin mais à l'émergence d'un outil moderne dont les contours restent à définir. «C'est le consensus américano-russe, sans oublier la Chine et l'Inde» qui déterminera la configuration de ce nouvel ordre mondial. Par son nouveau redéploiement stratégique, les Etats-Unis entendent, selon le conférencier, mettre le cap sur l'«aire de l'océan Pacifique», zone considérée «vitale pour l'avenir de l'Amérique». «La solution est de réduire le périmètre de la stratégie américaine en la recentrant sur des intérêts considérés comme vitaux.» Les USA pourraient chercher selon lui, «à minimiser» leur présence en Asie centrale, méridionale et autre Moyen-Orient. «Car dans ces régions, les intérêts américains restent globalement inférieurs aux enjeux» projetés par les décideurs de l'Administration Bush et successeurs. «(Cette) analyse insiste d'ailleurs sur le rôle déstabilisateur joué par la présence militaire américaine dans ces régions. Par ailleurs, la composition des forces armées des USA pourrait être changée car la plus part de ses armes dépassent déjà la capacité technologique de ses rivaux potentiels : Russie et Chine. Tandis que leur modernisation pourrait être compromise par une incertitude concernant leur obsolescence au terme de développement.» La suite dommageable d'un tel redéploiement stratégique, souligne Ben Dokha, est l'alignement des intérêts américains avec ceux des autres Etats. «On peut admettre l'existence effective d'un ordre international fondé sur une hégémonie qui fournirait bien des services, ordre et sécurité qui profiteront à tous (…), il n'en demeure pas moins que ça serait une erreur que de croire, comme les décideurs américains, que tous les intérêts locaux et régionaux sont ceux des Etats-Unis.» «Une telle conclusion n'est pas seulement sources de malentendus, prévient-il. Elle peut engendrer de réelles difficultés comme l'illustre la tension grandissante dans le monde d'où cette stratégie de retranchement qui correspondrait à un changement de concept stratégique mais aussi un choix politique, celui de l'Administration Obama qui au lieu de régler seule les problèmes du monde, fait en sorte qu'aucun problème ne soit réglé sans eux, encore moins contre eux.» Les intérêts américains rappelle-t-il à juste titre, relèvent de la sécurité nationale.