A vec la fermeture de l'unité Michelin à Bachdjerrah, c'est toute l'activité industrielle pneumatique qui disparaît. D'aucuns s'interrogent sur les motivations d'une fermeture qui intervient au seuil de l'implantation d'une industrie mécanique en Algérie. Des préoccupations au sujet desquelles nous avons interrogé les responsables du groupe Michelin, basé à Paris. Ces derniers, qui ont refusé de commenter la décision du gouvernement algérien d'user du droit de préemption, indiquent qu'ils attendent toujours «les modalités d'application de cette décision». Ils expliquent aussi, par le biais de leur service de presse, qu'il faut d'abord prendre en compte que l'usine Michelin de Bachdjerrah a été construite il y a de cela cinquante ans, à la périphérie de la ville. Or, Alger a grandi depuis et l'unité industrielle s'est retrouvée enclavée en plein cœur de la ville. Et d'ajouter que Michelin Algérie a souhaité y investir afin de la moderniser. Or, sa trop petite taille et son enclavement empêchent l'unité de devenir compétitive. Il est vrai que l'unité de Bachdjerrah n'était pas rentable. Ainsi, en plus de souffrir de la concurrence des produits de contrefaçon, c'est la compétitivité de l'usine qui pâtissait de facteurs endogènes. L'usine, qui produit 20 000 pneus/an génère des coûts trop élevés. Nos interlocuteurs expliquent aussi que le groupe Michelin fait face à une contraction de la demande dans un contexte de crise et à une surcapacité de production en ce qui concerne les pneus poids lourds – et l'unité Michelin Algérie ne produit que des pneus poids lourds. L'équipementier a donc décidé de fermer plusieurs unités dans le monde, jugées trop petites et non compétitives. Et de préciser que l'usine d'Alger n'est donc pas la seule à vivre cette situation. Le service de presse du groupe Michelin a aussi mentionné que l'entreprise a toujours eu «le souci, dans sa démarche, de veiller au maintien de l'emploi». C'est dans ce sens que Michelin a cherché d'éventuels repreneurs susceptibles d'assurer le respect de cette clause. C'est là que le groupe Cevital «est apparu comme étant le repreneur le plus pertinent. C'est un grand groupe, en pleine expansion, susceptible de bénéficier de la main-d'œuvre qualifiée de chez Michelin», a-t-on précisé avant d'ajouter que les employés du service commercial, au nombre de 80, sont maintenus à leurs postes vu que l'activité commerciale n'a pas disparu et que l'accord passé entre Michelin Algérie et Cevital donne l'exclusivité de la commercialisation des pneus de la marque au groupe algérien. Offre d'emploi ou prime de départ L'équipementier, qui admet qu'il sera mis fin à l'activité industrielle, précise toutefois que chacun des 570 employés restants a reçu une offre d'emploi de la part de Cevital. «Tous les employés de Michelin Algérie ont eu le choix entre accepter une offre d'emploi au sein du groupe Cevital ou partir avec une prime de départ allant jusqu'à deux années de salaire en plus d'un accompagnement personnalisé», est-il encore explicité. Le service presse du groupe Michelin insiste cependant sur un fait : la décision du gouvernement algérien de préempter la transaction ne remet en rien en cause les engagements pris par les deux parties de l'accord, à savoir Michelin Algérie et le groupe Cevital. En tout état de cause, du côté du groupe privé algérien, on ne cache pas son étonnement quant à l'attitude du gouvernement. Ceci d'autant plus que nos sources rappellent que le maintien de l'activité industrielle pneumatique aurait pu être envisagé dans le cadre d'un partenariat public-privé avec Michelin pour la création d'une nouvelle unité, de taille mondiale, pour une capacité minimum de 2 millions de pneus/an, afin de répondre aux besoins du marché et exporter. Ce qui n'a pas été évacué, sachant qu'avant de décider de la fermeture de son unité de Bachdjerrah, Michelin Algérie a prospecté aussi bien auprès du secteur public que du secteur privé pour rechercher d'éventuels repreneurs. Ce qui mène à dire que l'Algérie a ainsi raté pour la seconde fois l'occasion de développer l'activité industrielle pneumatique après avoir refusé, il y a une dizaine d'années, le projet d'usine d'une capacité de 3 millions de pneus/an. Des projets qui auraient pu servir une industrie mécanique naissante en Algérie. Les projets en partenariat se multiplient : usine de véhicules légers de marque Renault à Oran, joint-venture entre la SNVI et Daimler Mercedes pour la fabrication de camions à Rouiba et de véhicules 4X4 à Tiaret, enfin projet d'unité d'engins de travaux publics à Constantine en partenariat avec Liebherr, autant d'opportunités pour les équipementiers.