Pour le troisième mois consécutif, les Saoudiennes ont pris le volant samedi, le temps d'une journée, pour défier les autorités ultraconservatrices du royaume wahhabite et relancer une campagne destinée à obtenir le droit de conduire pour les femmes. Après deux opérations, le 26 octobre et le 31 novembre 2013, elles ont choisi de poursuivre ce mouvement baptisé «Women to drive» samedi 28 décembre. Si aucun défilé de femmes au volant n'a eu lieu dans les rues de la capitale Riyad – la loi du pays interdit les rassemblements –, les militantes étaient par contre invitées à conduire individuellement puis à poster une photo ou une vidéo d'elles en action sur les réseaux sociaux. Contrairement aux fois précédentes, les Saoudiennes ont cependant été peu nombreuses à répondre à l'appel de militantes pour prendre le volant. La police a stoppé une femme au volant dans la cité portuaire de Jeddah, dans l'ouest de l'Arabie Saoudite, alors qu'une autre, accompagnée de son mari, a pu conduire pendant deux heures sans être inquiétée par les forces de l'ordre, selon une activiste. «Seulement dix minutes après avoir pris le volant, Tamador Al Yami a été stoppée par la police à Jeddah», a indiqué à la presse Eman Al Nafjan, une activiste. La conductrice était en possession d'un permis de conduire international et était avec une autre femme, Samia Meslmani, qui filmait la scène. Le mari de Tamador Al Yami a été convoqué par la police sur le lieu de l'interpellation, où sa femme a été contrainte de signer un engagement à ne plus prendre le volant en Arabie Saoudite, a ajouté cette militante sur son compte Twitter. Le 4 décembre, des militantes saoudiennes ont appelé à relancer une campagne pour le droit de conduire en invitant, à travers les réseaux sociaux, les femmes à prendre le volant le 28 décembre. «L'objectif de cet appel est d'insister sur notre droit à conduire que nous allons continuer à revendiquer jusqu'à l'obtenir», avait alors déclaré, à la presse, la militante Nassima Al Saada. Des activistes avaient appelé les Saoudiennes à prendre le volant le 26 octobre, mais avaient retiré ensuite cet appel pour éviter une confrontation avec les autorités qui avaient multiplié les mises en garde. Quelque 16 femmes avaient été pourtant arrêtées au volant ce jour-là et ont dû payer des amendes. Chaque femme et son tuteur (père, frère, mari ou tout autre homme de la famille) ont dû en outre signer un engagement à respecter les règles en vigueur dans le royaume. L'exemple des Américaines L'Arabie Saoudite est le seul pays à interdire aux femmes de conduire. Les femmes ont par ailleurs besoin de l'autorisation d'un tuteur pour voyager, travailler ou même se marier dans un pays appliquant strictement la loi islamique. Cette situation est particulièrement dégradante pour les femmes dans une Arabie Saoudite où elles sont quelque 12 millions à ne jouir d'aucune mobilité quelle qu'elle soit. Le 27 novembre, Aziza Al Youssef, l'une de ces militantes, avait déclaré à la presse avoir reçu l'assurance du ministre de l'Intérieur, le prince Mohammed Ben Nayef, que la question du droit de la femme à conduire était à l'étude dans le royaume. La militante s'était rendue en compagnie d'une autre activiste, Hala Al Dosari, chez le ministre et la rencontre s'était déroulée par vidéo-conférence, la mixité étant interdite en Arabie Saoudite. Le droit de conduire a, rappelle-t-on, commencé à être revendiqué en 1990, en pleine guerre du Golfe. Sur le modèle des femmes de l'armée américaine qu'elles voient sur les bases militaires du royaume, 47 Saoudiennes décident d'organiser un convoi dans les rues de Riyad. L'opération se soldera finalement par des arrestations et même des licenciements. Une expérience visiblement traumatisante pour les femmes d'Arabie Saoudite qui ont tu le débat pendant plus de deux décennies. Il faut ainsi attendre 2011 et la première campagne «Women to drive» pour revoir une action significative, bien qu'éphémère. Cette fois-ci, elles comptent bien pérenniser le mouvement tous les mois jusqu'à ce que le roi Abdallah – considéré comme un prudent réformateur – abonde dans leur sens. Et au vu des mesures en leur faveur que le souverain a fait adopter ces dernières années, elles ont bon espoir.