Le phénomène est observable dans presque toutes les communes de la capitale. A Hamiz, Bordj El Bahri, Chéraga, Kouba et d'autres agglomérations périphériques de la capitale, il n'est pas un lotissement, dit nouveau, où on s'était rendu, qui n'échappe à ce qui désormais s'apparente à une nouvelle figure urbaine : les bâtisses inachevées. Au nombre inconnu, ces constructions, œuvres incomplètes de bâtisseurs privés, pour la plupart, posent une multitude de problème qui ne sont pas sans bousculer l'équilibre précaire du tissu urbain existant. Esthétiquement, cette tendance à « l'inachevé » est loin de servir les traits homogènes de l'ancienne ville d'Alger et son cadre de vie. Le « célébrissime » boulevard du Hamiz s'offre en exemple type, de l'architecture hybride et de l'aménagement des plus chaotiques, et qui plus est renseigne sur l'incapacité des pouvoirs publics à contrôler le développement des agglomérations. A Ben Omar, Chéraga, Dély Ibrahim, les « nouveaux lotissements » qui ont mûri trop vite s'inscrivent dans le même schéma général : bâtiments aux gabarits de mastodonte, façades publiques disgracieuses et souvent tronquées des travaux de finition, viabilisation claudicante et activités commerciales foisonnantes aux rez-de-chaussée, systématiquement aménagés en fonds de commerce. Une configuration à mi-chemin du résidentiel et du « comptoir de négoce ». Ces constructions inachevées posent d'autre part le problème du respect de la loi. Combien de certificats de conformité furent délivrés ces dernières années aux lotisseurs ? Pas de réponse des responsables de l'urbanisme d'Alger. Ce certificat sanctionne à la fois la fin des travaux et constate le respect du plan initial... or nombreuses sont les communes de la capitale à faire face à la multiplication des lotissements irréguliers et à la construction sans permis et parfois dans des zones non urbanisables. Signe peut être d'une future reprise en main de la conduite des opérations d'urbanisme, l'Ordre des architectes semble s'intéresser de près au dossier des « constructions inachevées ». Ce dossier pourtant des plus urgent, vu les proportions alarmantes qu'a pris ce phénomène ces dernières années mais qui ne s'attire pas pour autant l'attention des pouvoirs publics mandatés pour faire respecter la loi en vigueur. De la loi en vigueur justement, la 90-29 relative à l'aménagement et l'urbanisme et à un degré moindre le décret législatif 94-04, traitant de la production architecturale, apporte des éléments de réponses qui auraient pu, si elle avait été appliquées, faire éviter à la capitale la défiguration de son paysage urbanistique. Même si les textes en question ont été loin de constituer le parfait cadre, ils ont néanmoins prévu les instruments, à commencer par les PDAU (plan directeur d'aménagement urbain) et POS (plan d'occupation des sols), deux pièces maîtresses de l'organisation urbanistique que des cercles de spéculation foncière et immobilière n'ont assurément pas envie de voir le jour. Rien n'explique en effet leur « absence » et le non-aboutissement de leur « révision » lancée depuis longtemps, d'autant plus que tout le cadre juridique repose sur ces principaux instruments de régulation. « La loi 90-29 précise en effet le champs d'intervention et l'utilité du Pdau et des POS (...) les instruments d'aménagement et d'urbanisme fixent les orientations fondamentales d'aménagements (...) déterminent les prévisions et les règles d'urbanisme. Ils définissent les conditions de rationaliser l'utilisation de l'espace, de préserver l'activité agricole, de protéger le périmètres sensibles, les sites, les paysages, et (prévoit) les terrains réservés aux activités économiques, d'intérêt général et aux constructions pour la satisfaction des besoins présents et futurs en matière d'équipements collectifs et services, d'activités et de logements (...) », lit-on dans l'article 11. Il est aussi indiqué dans l'article 10 de la même loi qu'« ...aucun usage du sol ou construction ne peut se faire en contradiction avec les règlements d'urbanisme (...) ». Faut-il aussi signaler que les mécanismes de contrôle et de répression, s'ils ne sont pas inopérants (la police d'urbanisme, et les comités d'architecture), tombent en complète désuétude à l'image de l'article 50 du décret législatif du 25 mai 1994 relatif à la production architecturale qui sanctionne de 900 da d'amende par niveau le non-respect de la hauteur autorisée pour une construction, la modification de façade de 500 da. Pour le défaut de déclaration d'ouverture de chantier ou d'achèvement, le contrevenant doit s'acquitter pour le compte du trésor de la wilaya d'une amende de 200 da. En partie, la non disponibilité du Pdau et des POS explique le nombre ahurissant de constructions illicites : 65 000, annoncé par les autorités de la wilaya. Celles-ci, dépassées par l'ampleur du phénomène, n'ont d'autres choix que de faire l'éloge d'une politique de « régularisation », revendiquée à plein poumons par des hauts responsables de la ville. Une démarche dont les contours demeurent à préciser mais qui risque de diluer bien des responsabilités, passives ou actives.