L'Algérie et les Etats-Unis entendent renforcer davantage la coopération en matière de sécurité. Depuis hier, Frances Townsend, conseillère du président américain à la sécurité intérieure et la lutte antiterroriste, est en visite de deux jours en Algérie. Cette visite, qui n'a pas bénéficié de beaucoup de publicité, est la première du genre. Elle intervient après celle du général-major Ahmed- Gaïd Salah, chef d'état-major de l'armée algérienne, en avril dernier aux Etats Unis. Le haut gradé de l'armée, qui avait visité des centres d'études stratégiques pour l'Afrique et pour l'Asie, qui relèvent du département d'Etat, avait eu des discussions, notamment avec le général d'armée Peter Pace, président du Comité des chefs d'état-major des différents corps de l'armée américaine (Joint Chiefs of Staff) (JCS), sur la lutte contre le terrorisme. A ce propos, Frances Townsend, qui préside également le Conseil de sécurité intérieure, a été reçue hier par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika. La discussion, selon des sources diplomatiques, était liée à la coopération entre les deux pays dans « la lutte globale contre le terrorisme ». L'Algérie, qui a intensifié ses relations avec l'Organisation atlantique nord (OTAN) avec le soutien des Etats-Unis, souhaite profiter de l'expérience américaine pour professionnaliser ses troupes, dont les principaux chefs sont attachés à l'idéologie de l'armée populaire, se doter d'équipements militaires et améliorer sa coopération en matière de lutte contre le terrorisme et les phénomènes y afférents. Cette coopération, qui se fait dans la discrétion, semble intense. Preuve en est : des avions de la CIA, transportant de présumés terroristes, auraient atterri à Alger ces dernières années. C'est du moins ce que révèle l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, dans un rapport rendu public à Bruxelles le 7 juin. Alger, comme Rabat, le Caire, Amman et Baghdad, aurait laissé des avions de la CIA, principale agence de renseignements américaine, atterrir pour des périodes courtes. Le même rapport accuse seize pays européens d'avoir porté leur aide au « transfert illégal » de terroristes présumés et de les avoir mis dans des lieux secrets de détention. L'auteur du rapport, le Suisse Dick Marty, cité par les agences de presse, a invité les pays concernés à reconnaître la vérité et s'est élevé contre « le silence » qui entoure l'affaire. Cette information publique n'a été ni démentie ni commentée à Alger. A Washington, le porte-parole de la Maison-Blanche, Tony Snow, a déclaré, en guise de réponse, que la coopération internationale est « essentielle à la victoire dans la guerre contre le terrorisme ». Frances Townsend est venue à Alger -difficile de ne pas faire le parallèle - une semaine après la visite de Ali Laridjani, secrétaire général du Conseil suprême de la sécurité nationale de l'Iran, qui a rencontré de hauts responsables algériens. Ali Laridjani avait déclaré à la presse que l'Algérie et l'Iran ont de « solides relations d'amitié stratégiques » et partagent « des intérêts et des défis communs ». « Des intérêts qui impliquent une concertation permanente », a-t-il dit. Cette visite et ces déclarations ne sont pas passées inaperçues aux Etats-Unis où l'on cherche, à travers une diplomatie active, à réunir le consensus contre le programme nucléaire iranien. Le nucléaire algérien, lui, n'inquiète pas. Echange d'informations C'est ce que laisse suggérer la réponse que nous a donnée, ces derniers jours et via Internet, Gregory Schulte, ambassadeur américain auprès des organisations de l'ONU à Vienne (siège de l'Agence internationale de l'énergie atomique, AIEA). « L'Algérie, comme beaucoup d'autres pays dans le monde, recherche les avantages pacifiques de la technologie nucléaire et s'acquitte de ses obligations internationales de sauvegarde suivant le traité de non-prolifération d'armes nucléaires. Contrairement à l'Iran qui a violé ses obligations internationales », a-t-il expliqué. Il s'agit de l'une des premières explications officielles américaines par rapport au nucléaire algérien qui rompt avec l'inquiétude, jusque-là contenue, de milieux conservateurs qui, à Washington, commencent à poser des questions sur les capacités algériennes en matière d'énergie atomique. Selon l'ambassadeur Schulte, l'Iran a prouvé son incapacité de coopération et de respect de ses obligations internationales. « L'AIEA est suspicieuse quant à la nature “uniquement” pacifique de ses programmes », a-t-il dit. Une position qui n'est pas forcément partagée à Alger où l'on défend le droit des pays à se doter de programmes nucléaires pacifiques. Cela dit, Alger, comme la plupart des pays arabes, ne semble pas prête à s'impliquer dans les efforts de la communauté internationale pour éviter une crise majeure, entre les Etats- Unis et l'Iran, qui peut mener à un affrontement militaire. Pour rappel, Frances Townsend a été précédée en Algérie par Robert Mueller, directeur général du FBI, par Donald Rumsfeld, secrétaire à la Défense et par David C. Welch, secrétaire d'Etat adjoint chargé des Affaires du Proche-Orient, de l'Afrique du Nord et de la péninsule Arabique. Ces trois responsables ont insisté sur le renforcement de la coopération en matière de lutte contre le terrorisme. En février 2006, Henry Crumpton, ambassadeur itinérant des Etats-Unis, chargé du contre-terrorisme, a, dans une conférence à Alger, organisée par l'Union africaine et par le Centre américain des études stratégiques de l'Afrique (qui relève du Département d'Etat), avait évoqué, pour la première fois, la Trans-Sahara Counterrorism Initiative (l'initiative transsaharienne de lutte contre le terrorisme) qui inclut également le Maghreb. Il avait parlé aussi de la mise en place d'un système d'échanges d'informations et l'élaboration « d'une stratégie de contre-insurrection » à long terme avec les pays de la région. A relever enfin que Frances Townsend, qui a rendu visite ces derniers mois à la Tunisie, a travaillé pendant longtemps au département de la Justice où elle s'est occupée, notamment de la politique des services de renseignements. Elle a supervisé, au niveau de ce département, les dossiers et les opérations liés à la sécurité nationale américaine.