Townsend affirme que son pays veut «apprendre et partager l'expérience algérienne en matière de lutte antiterroriste». Qu'est-ce qui motive, donc la valse de hauts responsables sécuritaires américains au Maghreb? Même si le dossier sécuritaire est la réponse évidente, il reste que des calculs géostratégiques ne sont pas à écarter. La problématique de l'installation du commandement du Pentagone pour l'Afrique (Africom) serait parmi les principales raisons qui font courir les experts américains. Malgré le niet signifié par l'Algérie à la demande d'installer ce commandement sur son sol, au même titre d'ailleurs que le Maroc et la Libye, il reste que Washington ne désarme pas. En effet, l'Algérie s'est montrée hostile à ce projet, en affirmant qu'elle refusait d'être intégrée dans le champ d'action de ce commandement régional. «Le territoire algérien n'est pas concerné par le commandement américain projeté. L'Algérie n'a jamais accepté l'installation de bases étrangères sur son sol, ce qui serait incompatible avec sa souveraineté et son indépendance», avait déclaré en mars M.Mohamed Bedjaoui, ex-ministre des Affaires étrangères. Cependant, les Américains ne désespèrent pas. En effet, quelques jours seulement après la visite de Robert S. Mueller, patron du FBI à Rabat, en vue de «coordonner la lutte antiterroriste» entre les pays de la région, c'est au tour de la conseillère du président américain George W.Bush pour la Sécurité intérieure et la Lutte antiterroriste, de lui emboîter le pas. En provenance du Maroc, Frances Frago Townsend, foule de nouveau le sol algérien, une année après sa première visite en juin 2006. Le timing de la visite de Townsend n'est pas fortuit. Il intervient au lendemain de la décision du Maroc de relever au «maximum le seuil d'alerte face à la menace terroriste». Une onde de choc qui pourrait, bien entendu, s'étendre à tous les pays de la région. Les attentats du 11 avril à Alger, auparavant ceux de Casablanca et les attaques de Tunis, inquiètent sérieusement les Américains, qui ont d'importants intérêts à défendre dans la région. «Je suis en Algérie en tant qu'envoyée spéciale du président Bush pour discuter avec les responsables algériens de la lutte antiterroriste», a-t-elle déclaré à la presse. Elle a ajouté que l'Algérie dispose d'«une expérience importante» dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et a exprimé le souhait des Etats-Unis d'«apprendre et de partager cette expérience, pour lutter contre les ennemis de la paix et de la sécurité» dans le monde. Les Etats-Unis qui craignent des attentats d'une grande envergure sur leur sol, comptent contrer ces attaques à des milliers de kilomètres. Townsend n'a d'ailleurs pas écarté, lors d'un précédent point de presse à la Maison-Blanche des attaques plus importantes que celles du 11 septembre 2001. Un autre dossier, et non des moindres, inscrit au menu de la visite de Townsend, est sans conteste celui des détenus algériens de Guantanamo. Selon l'ambassadeur américain à Alger, Robert S. Ford, les Etats-Unis conditionnent leur rapatriement à la garantie qu'ils ne subiront pas de «mauvais traitements» en Algérie et qu'ils ne retourneront pas à l'action terroriste. Alger estime que ces deux conditions constituent une immixtion dans ses affaires intérieures. Mme Townsend est licenciée en sciences politiques et en psychologie de l'université américaine, comme elle a obtenu son doctorat en sciences juridiques de l'université de San Diego, en 1984. Elle a été nommée conseillère pour la Sécurité intérieure par le président Bush, le 28 mai 2004. Townsend avec Karen Hughes la sous-secrétaire d'Etat chargée de promouvoir les valeurs américaines (autrement dit la propagande), sont parmi les pièces maîtresses de l'Administration Bush. L'image de ce 27 juin 2007 est édifiante. Les deux conseillères étaient présentes à la mosquée de Washington. Drapées d'un hidjab de circonstance, elles suivaient avec attention le discours du président Bush qui, lui aussi, a pris le soin de se déchausser avant d'entrer à l'intérieur du lieu de culte; tradition musulmane oblige.