Alors que des fuites assurent l'acceptation par la Jordanie d'un échange de son ambassadeur enlevé, Fawaz Aytan, contre un terroriste libyen, emprisonné à Amman, l'issue est toujours incertaine pour les deux otages tunisiens. La position de Amman suscite toutefois des interrogations. Tunis De notre correspondant Les jours se suivent et se ressemblent pour les otages étrangers en Libye, qui continuent à broyer du noir. Toutefois, les observateurs constatent que si Tunis continue de refuser le dialogue avec les terroristes qui ont kidnappé deux membres parmi le personnel de son ambassade à Tripoli, Amman commence à lâcher du lest face aux réclamations des ravisseurs, qui ont demandé à Tunis la libération des deux terroristes, Imed Youssef et Hafedh Dhabaâ, condamnés à 16 ans de prison suite aux incidents de Rouhia qui ont coûté la vie à deux militaires tunisiens en mai 2011. A Amman, ils ont demandé, selon des sources libyennes relayées par CNN, de transférer le prisonnier terroriste Mohamed Saïd Darsi en Libye pour y purger sa peine en échange de la libération de l'ambassadeur jordanien, Fawaz Aytan. Darsi, condamné à la perpétuité pour terrorisme, est emprisonné depuis 2006 en Jordanie. Tous les prisonniers réclamés par les kidnappeurs appartiennent à Al Qaîda. Et si Tunis refuse de céder, il paraît que Amman aurait accepté ladite proposition. On parle même de dernières tractations sur cet échange. Darsi serait transféré, toujours selon CNN, cinq jours après la libération de l'ambassadeur jordanien. Si cette position jordanienne se confirme, elle affaiblirait sensiblement la position des négociateurs tunisiens. Le ministère jordanien des Affaires étrangères s'est refusé à tout commentaire. Issue négociée Le ministère libyen des Affaires étrangères s'est limité hier à nier l'information faisant état de la libération de l'ambassadeur jordanien. Déjà, la rumeur a irrité à un très haut degré la diplomatie tunisienne, qui a affirmé son opposition à tout dialogue direct avec les terroristes. En effet, l'approche tunisienne de gestion de cette crise a plutôt favorisé les contacts officieux, via des réseaux libyens ayant des liens avec les ravisseurs. La Tunisie table sur les solides relations tissées avec les groupes rebelles pendant la guerre, pour parvenir à la libération de ses deux otages. Plusieurs partis politiques tunisiens comptent également sur leurs liens avec leurs homologues libyens pour trouver une issue à cette crise. Ainsi, Ennahdha, l'aile tunisienne des Frères musulmans, a multiplié les contacts avec les Libyens du Parti de la justice et du développement (PJD), très influent au sein du gouvernement et du Congrès national général libyen. A été également sollicité le président du Conseil militaire de Tripoli, Abdelhakim Belhaj, ex-chef du Groupe combattant libyen (GCL), inféodé à Al Qaîda, qui aurait des liens avec les ravisseurs, ayant été l'un de leurs inspirateurs pendant sa jeunesse. Mais aucun résultat tangible n'a été perçu jusque-là. Il est à rappeler que Mohamed Ben Cheikh, employé de l'ambassade tunisienne à Tripoli, a été kidnappé le 21 mars dernier, alors que le secrétaire de l'ambassade, Laroussi Gontassi, a été enlevé le 17 avril. Le groupe terroriste a fait circuler sur les réseaux sociaux une vidéo montrant Mohamed Ben Cheikh supplier le président Marzouki de donner suite aux exigences des ravisseurs. Ben Cheikh s'est dit être en danger de mort. La vidéo est attribuée à un forum djihadiste apparu récemment sur internet. Le groupe Chabab Al Twahid, dont se réclament les ravisseurs, n'est pas connu des services de renseignements évoluant en Libye. Leur cible est par contre très claire. Dans le texte qui conclut la vidéo, il est écrit : « Au gouvernent tunisien : comme vous tuez les nôtres, nous tuons les vôtres», ce qui a causé la panique chez les familles des otages. L'avocate des deux détenus libyens en Tunisie, Me Fatma Hamdi, nie tout lien de ses clients avec le kidnapping des otages tunisiens. Elle rappelle toutefois que «le gouvernement libyen a présenté depuis plus d'un an une demande en vue du transfert de ses clients en Libye dans le cadre des conventions en vigueur d'échange de prisonniers». Issue incertaine pour les deux Tunisiens, surtout si la Jordanie continue à négocier l'échange de son ambassadeur. Mais attendons pour voir, car les coulisses sont déterminantes dans de telles affaires.