Le gouvernement semble commencer à rompre avec le mépris habituel affiché envers les médias. Le ministère de l'Energie multiplie, depuis quelques jours, les rencontres avec les leaders d'opinion que sont les journalistes afin de les «sensibiliser» à l'importance du traitement qui doit être donné aux questions relatives à l'énergie, particulièrement lorsqu'il s'agit d'hydrocarbures. Serait-ce la fin d'une époque ou s'agit-il seulement de quelques rencontres conjoncturelles motivées par une défiance affichée par l'opinion publique envers l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels, en particulier les gaz de schiste ? Hier, le département de l'Energie a organisé une énième rencontre, ou plutôt une journée d'information, sur le thème des hydrocarbures non conventionnels. Quoi qu'il en soit, le ministre de l'Energie, Youcef Yousfi, a saisi l'opportunité de la rencontre pour régler certains comptes, notamment avec des experts, dit-il, «autoproclamés», qui véhiculent des schémas importés et alimentent un débat qui devrait être celui d'experts et de techniciens travaillant pour Sonatrach depuis plus d'une trentaine d'années. Le ministre tente, quoique de manière colérique et maladroite attribuable à la «responsabilité particulière des journalistes» lorsqu'il s'agit d'évoquer «des sujets qui touchent à l'intérêt primordial du pays», l'énergie, notamment les hydrocarbures figurant en tête des questions stratégiques.Le ministre a ainsi tenu à rappeler que les hydrocarbures ont été, sont et seront au centre de nombreux conflits, guerres, destructions et autres tentatives de déstabilisation. Youcef Yousfi a ensuite étalé de nombreux arguments techniques afin d'expliquer les motivations de l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels. Il a expliqué que l'Algérie se doit d'exploiter toutes ses ressources afin d'assurer sa sécurité énergétique que ce soient les énergies renouvelables, le nucléaire, les hydrocarbures conventionnels ou non conventionnels. Il a ainsi rappelé que de nombreux pays ont décidé d'aller vers l'exploitation des gaz et pétrole de schiste malgré l'existence de réserves appréciables. Quant au cas de la France, qui refuse, grâce à un moratoire interdisant l'exploitation des gaz de schiste, il insinue le lobbying exercé par Areva pour le maintien de vieilles centrales nucléaires comme celle de Fessenheim. Le ministre s'est aussi montré outré que l'on véhicule l'idée selon laquelle on permettrait à une compagnie française d'expérimenter les techniques d'exploitation du schiste en Algérie alors qu'elles sont interdites en France. «Mensonges et manipulations», a-t-il dit. Youcef Yousfi a également tenu à répondre aux détracteurs des gaz de schiste, qu'il considère mus par «des considérations politiciennes». Il indique que si le gouvernement est accusé de ne pas avoir de politique énergétique et de modèle de consommation, l'exploitation des gaz de schiste vise en réalité à garantir la sécurité énergétique, entre dans le cadre d'une vision sur 40 ans et ne prête aucunement à servir les intérêts immédiats d'un gouvernement. Celui qui défend d'ailleurs la rente – estimant que les ressources financières issues des hydrocarbures permettront de financer des projets comme l'exploitation des mines de Gara Djebilet, les raffineries ainsi que les unités pétrochimiques – se garde de critiquer les politiques de subventions, la généralisation des dépenses sociales, la propension à importer tout ce que nous consommons… financées par la rente. Il est vrai que ces questions dépassent le cadre du ministère de l'Energie et relèvent de la gouvernance économique. Mais ceci est une autre histoire…