Un brillant économiste s'en va. Abdelmadjid Bouzidi, connu pour ses analyses économiques pointues, a livré sa dernière bataille sans crier gare. Il est décédé, hier matin dans un hôpital parisien, des suites d'une longue maladie. Abdelmadjid Bouzidi avait occupé le poste de conseiller aux affaires économiques du président Liamine Zeroual. Il était encore le convive incontournable aux différentes rencontres-débats traitant des questions économiques brûlantes qui animent le pays. Il avait voix au chapitre lorsqu'il était question de défendre l'entreprise, l'économie productive et la transition vers l'économie de marché. Il était l'ami cher de tous les chefs d'entreprise. Ses analyses économiques, ses prises de position et ses coups de gueule face au gâchis économique dans lequel baigne le pays étaient souvent appréciés. Le grand homme exerçait une influence incontestable sur le débat économique en Algérie. Autour des tables de controverses, il était redoutable pour son sang-froid face à ses adversaires d'opinion. Mariant le verbe à la conviction, l'art à la manière, il en fait à sa guise sur les scènes du débat. A la fin de chacune de ses analyses, il est souvent fier comme Artaban, content d'avoir contribué à faire avancer le débat économique en Algérie. Il croyait dur comme fer que seul le débat contradictoire était à même de faire avancer le pays. Le professeur Bouzidi était un fervent défenseur de l'économie socialiste et du secteur public. Ses premiers travaux universitaires tournaient d'ailleurs autour du socialisme, de l'histoire de la pensée économique, particulièrement de la pensée socialiste. La chute du Mur de Berlin qui avait levé le voile sur les limites de l'expérience communiste avait marqué le penseur. Moins dogmatique, le professeur d'économie militait pour l'émergence d'un appareil de production porté par le secteur public, mais aussi par le secteur privé. Dans ses multiples écrits et contributions au Soir d'Algérie et à El Watan, il regrette le gâchis économique dans lequel le pays est plongé. Ses écrits sont une référence pour tous ceux qui veulent analyser et comprendre la complexité de l'économie algérienne. Il a mis à nu, arguments à l'appui, l'absurdité des plans de sauvetage des entreprises publiques, comme il a été l'un des tout premiers économistes algériens à pointer du doigt les ravages causés par l'économie informelle. Pour le professeur Bouzidi, le renouveau de l'économie passe nécessairement par l'affermissement d'un Etat démocratique. Il avait définitivement rompu avec les thèses de la pensée stalinienne. Parallèlement à ses activités académiques, Abdelmadjid Bouzidi est l'auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie algérienne, dont Eclairages, Comprendre la mutation de l'économie algérienne, les mots-clés et Les Années 1990 de l'économie algérienne. Les lecteurs de cet économiste averti seront malheureux d'apprendre que l'homme a tiré hier sa révérence. Il a lutté courageusement contre la maladie, signe de son caractère trempé dans de l'acier. Depuis quelques mois, il animait l'un des think-tank les plus actifs sur la place d'Alger, dédié exclusivement à défendre l'entreprise et l'économie productive. Au bout de plusieurs batailles, mais non des moindres, Abdelmadjid Bouzidi s'est éteint hier à l'âge de 69 ans. Il y a quelques jours, il était encore là à défendre ses idées et ses idéaux de justice sociale. L'enterrement du professeur Bouzidi aura lieu demain au cimetière de Sidi Yahia.