Mohamed Ouagrar est un poète marocain d'expression berbère qui a séjourné en Algérie la semaine dernière. Invité du festival Raconte-arts, il nous a livré ses impressions sur cette rencontre culturelle et sur d'autres sujets dans l'entretien qui suit. Qui est Mohamed Ouagrar ? Je suis fils du haut Atlas. Je suis membre des écrivains du Maroc, membre du syndicat marocain du théâtre et membre de l'exécutif de l'association de l'université d'été d'Agadir. A Ath Yenni, j'ai déclamé des poèmes, mais je me suis rendu compte que les gens ne me comprenaient pas vraiment en raison des différences syntaxiques et sémantiques des parlers amazighs. J'en ai conclu qu'il faudrait standardiser la langue. Vous êtes l'invité du Raconte-arts. Quels sont vos sentiments ? Ce n'est pas la première fois que je viens à Tizi Ouzou. J'ai participé en 1989 en qualité de comédien de la troupe d'Agadir à des rencontres de théâtre amateur. Pour le festival, cela s'est bien passé. Je me sens vraiment chez moi et je le dis sans démagogie. Le public marocain, lit-il la poésie ? Comme partout ailleurs, le public marocain ne lit pas vraiment la poésie. Mais, il faut éditer car c'est la meilleure façon de sauvegarder l'oralité. Dans mon pays existe l'Institut royal de la culture berbère, l'IRCAM, depuis 2003. C'est lui qui finance l'édition grâce aux subventions allouées par le Palais royal. C'est en quelque sorte, l'équivalent du Haut Commissariat à l'amazighité algérien. La poésie n'est pas lue. Où trouve alors le poète ses motivations pour écrire ? C'est surtout la quête de liberté, la volonté de briser les tabous et une révolte contre l'ordre établi. Pour ma part, j'ai publié mon premier recueil de poésies il y a deux ans. C'est en fait, une expérience de 20 ans de poésie, de 1984 à 2004, que j'ai couché sur papier. En plus, j'essaie en toute modestie d'apporter des nouveautés et de moderniser la poésie amazigh. Ma démarche vise à changer les stéréotypes de la poésie traditionnelle, trop collée au tribalisme et au religieux. Mon objectif est d'explorer les horizons nouveaux possibles et à escorter notre poésie et l'arrimer à la poésie universelle. Quel est le rêve du poète que vous êtes ? Ce qui me préoccupe le plus est cette tendance à alimenter les tensions pour séparer nos deux pays. J'espère vivre et voir cette frontière de la honte qui sépare le Maroc et l'Algérie éliminée. Si elle n'avait pas existé, on n'aurait pas eu cette crise du Sahara-occidental qui empoisonne les relations entre les deux pays. Le poète est par essence rêveur, et je continue à l'être.