Israël veut faire du sud Liban un terrain vague. Instruction a été donnée à l'aviation, principalement articulée sur les chasseurs-bombardiers F16, pour pilonner les villages se trouvant aux frontières avec l'Etat hébreu. Villages soupçonnés d'abriter des activistes du Hezbollah. C'est un aveu déguisé de l'échec de l'engagement terrestre de l'armée israélienne - qui est la quatrième au monde - surprise par une forte résistance des éléments du Hezbollah, rompus désormais à l'art de la guérilla. Les images autorisées par le censure militaire et retransmises par les télévisions israéliennes de soldats morts commencent avoir un effet désastreux sur l'opinion publique. « Le Hezbollah sait qu'il s'agit de notre point faible (...) Si les pertes deviennent importantes parmi nos troupes, le soutien à l'opération va chuter », estime l'universitaire Udi Lebel, cité par le quotidien français Le Figaro. L'armée israélienne a perdu 32 soldats qui ont péri depuis le début de l'attaque contre le Liban. « Le Hezbollah est passé maître dans le domaine du renseignement, dans les techniques de désinformation basées sur la « Maskirova » - la méthode soviétique consistant à faire passer suffisamment d'informations vraies pour être crédible, en vue de mieux faire avaler les mensonges de la propagande », affirme Eran Lerman, ancien officier supérieur du Renseignement militaire israélien, repris par le site d'information Proche-orient.info. Le même site, qui est pourtant proche des thèses de Tel-Aviv, souligne qu'Israël donne l'impression de « naviguer sans véritable capitaine à bord ». Les médias israéliens publient presque chaque jour des sondages favorables à l'attaque contre le Liban et contre les Territoires palestiniens. Des sondages qui sont perçus comme un baromètre d'une situation de plus en plus difficile à gérer. Selon Reuters,10% d'Israéliens estiment, selon un sondage, que leur pays devrait cesser les combats et entamer des négociations. C'est qu'au bout de seize jours d'offensive, les objectifs de l'armée israélienne n'ont pas été atteints : le Hezbollah n'a pas été neutralisé et les deux soldats enlevés sont toujours en captivité. La localité de Maroun El Ras, au sud Liban, prise par l'infanterie israélienne est, depuis hier, disputée par le Hezbollah. D'où une décision curieuse de retrait. Retrait qualifié de « tactique » à Tel-Aviv. Visiblement, les stratèges militaires de l'Etat hebreu ont mal calculé la capacité de combat des membres du Hezbollah. Parce qu'il était théoriquement prévu que l'armée israélienne aille plus loin dans le sud Liban pour repousser le Hezbollah à 20 kilomètres des frontières avec Israël. Les bombardements intensifs de la ville de Tyr et de la banlieue Sud de Beyrouth n'ont pas arrêté le mouvement des roquettes du parti de Hassan Nasrallah. Jusqu'à hier, aucune rampe de lancement de roquettes n'a été trouvée (depuis le 12 juillet, plus de 1500 projectiles sont tombés sur Israël). On en arrive fatalement à douter de tout. Le site d'information Isranews a lancé un mini-sondage avec cette question : « La guerre contre le Hezbollah au Liban le fera-t-elle plier ? ». Le résultat est partagé : 51% de oui et 43,9% de non. Cela explique, en partie, une certaine accélération des faits. Il y a d'abord, l'augmentation du nombre des réservistes (passé de 5000 à 30 000 en huit jours). « Cette mobilisation est destinée à faire face à tout développement et à assurer la relève selon les besoins », précise un communiqué de Tsahal. Peu de choses apparaissent sur le refus de rejoindre les rangs. Les voix des objecteurs de conscience sont peu écoutées, mais leur présence dans les manifestations anti-guerre ne passe pas inaperçue. Israël ne reconnaît pas le droit à l'objection de conscience qui est lié à l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Recevant hier à Washington le Premier ministre britannique Tony Blair, le président américain George W. Bush a, sans appeler à un cessez-le-feu, évoqué, une fois n'est pas coutume, la possibilité de déployer « rapidement » une force internationale au Liban Sud. Idée reçue pourtant avec froideur au début lorsqu'elle avait été évoquée par l'Union européenne. Que s'est-il passé entre-temps ? « Une force multinationale efficace aidera à accélérer la distribution d'aide humanitaire, faciliter le retour des personnes déplacées et aider le gouvernement libanais à exercer sa pleine souveraineté sur l'ensemble de son territoire et à protéger ses frontières », a expliqué George W. Bush, dont la conférence de presse a été retransmise par Al Jazira. Et si le but de cette attitude est d'aider Israël à éviter un enlisement qui risque de durer ? « Au nord d'Israël, à Haïfa, à Nahariya, à Tibériade, à Kyriat Shmona, plus d'un million de nos citoyens (...) dorment depuis deux semaines dans des abris (...) La vie s'est arrêtée brutalement. Les gens ne peuvent plus sortir ni travailler, les enfants, profiter des camps de vacances d'été », se plaint Rafaël Barak, chargé d'affaires de l'Ambassade d'Israël en France, dans une opinion publiée par Libération. L'inquiétude a augmenté, hier, avec la chute de missiles chargés de 100 kg d'explosifs sur Afoula où des incendies ont éclaté. Les agences de presse ont pris le soin de souligner que les missiles étaient de fabrication...iranienne. Aucune agence de presse ne s'intéresse à « la nationalité » des bombes qui tombent sur le Liban. Peu de reporters soulignent également que le mouvement de Hassan Nasrallah possède des missiles anti-tanks Milan et Fagot de conception française et russe. Il n'y a que le produit iranien qui trouve grâce aux yeux du Marketing de guerre ! Hier, plus de 70 roquettes ont été tirées sur les villes de Safed, Kyriat Shmona, Rosh Pina, Nahariya et Maalot. L'armée israélienne a déployé, autour de Tel Aviv, une nouvelle batterie d'anti-missiles Patriot qui sont de fabrication américaine. Hassan Nasrallah avait menacé la semaine dernière de lancer des roquettes et des missiles loin au sud de Haïfa. La chaîne 10 de la télévision israélienne a annoncé, hier en début de soirée, que le général Dan Haloutz, 58 ans, chef d'état-major, a été victime d'un malaise et a été transféré à l'hôpital. Aucune explication n'a été donnée sur l'origine du malaise.