Pendant que Ramtane Lamamra était en discussion dans son bureau, hier, avec son homologue italien, le président du Forum des chefs d'entreprises, Ali Haddad, occupait la grande salle de conférences du MAE, où il professait la diplomatie économique devant les nouveaux ambassadeurs algériens fraîchement nommés. Un exercice aussi inédit qu'intrigant tant l'action du chef du FCE suscite divers commentaires et des interrogations. Il passe son temps à «auditionner» des ministres et à suggérer des choix politiques. Le très actif patron des patrons trace une feuille de route aux ambassadeurs pour la recherche de nouvelles opportunités pour les entreprises algériennes. Il s'est même permis une critique d'une diplomatie circonspecte : «J'ai constaté combien nous sommes loin, très loin de ce qui se fait dans d'autres pays en matière de défense des entreprises et des intérêts commerciaux.» Le constat négatif que fait le patron de l'ETRHB à la diplomatie est encore plus dur lorsqu'il lance aux nouveaux ambassadeurs que «l'Algérie est restée liée au monde uniquement par un seul côté : l'importation. Cette situation est insoutenable à terme». Enfilant le costume de chef de la diplomatie le temps d'une rencontre, Ali Haddad dresse un tableau peu reluisant de l'action des Affaires étrangères dans le domaine économique. M. Lamamra appréciera ! «Nos ambassades sont fortes par leurs attachés militaires, mais en termes de représentation économique et commerciale des entreprises, nous restons encore sous-représentés», reproche-t-il encore devant des ambassadeurs et consuls qui écoutent religieusement un cours de diplomatie économique. «Nous pensons que notre diplomatie doit passer à une étape supérieure, l'Algérie a sa place dans le monde ; le temps de l'autarcie est révolu», rabroue encore le président du FCE. Il dévoile la feuille de route que les ambassadeurs doivent mettre en œuvre pour mieux défendre les entreprises : «Etre dans le monde d'aujourd'hui, c'est d'abord, pour tous les pays, déployer une intense activité pour recueillir des informations sur les politiques économiques des autres pays, sur leurs marchés, sur leurs produits. Et ce sont les ambassadeurs qui mènent ce type d'activités.» Les honorables représentants de l'Algérie à l'étranger ont du pain sur la planche et doivent dorénavant retrousser les manches, d'autant que les consignes viennent d'un homme connu pour sa proximité avec le pouvoir et dont l'influence ne cesse de prendre des proportion remarquables. Désormais, les ambassadeurs doivent s'activer à faire «du renseignement économique et de l'étude du marché, de la promotion commerciale et développer une politique commerciale. Le rôle de notre diplomatie est capital pour que notre pays ne reste pas accroché au train de l'économie mondiale par le seul côté de l'importation», recommande Ali Haddad. En somme, le patron du FCE déploie une «énergie» qui, pour beaucoup d'observateurs, va au-delà de la mission d'un syndicat des patrons pour empiéter sur des domaines qui relèvent du gouvernement. Visiblement, sa proximité avec le clan présidentiel lui ouvre toutes les portes.