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On a fait croire que la justice algérienne ne pouvait rien faire contre Chakib Khelil Rachid Nekkaz. Président du Mouvement pour la jeunesse et le changement (MJC)
En sillonnant à pied l'Algérie, Rachid Nekkaz veut réinventer le militantisme en Algérie. De retour des Etats-Unis où il enquêtait sur Chakib Khelil à ses projets de duo avec Lotfi Double Kanon, le trublion de la campagne présidentielle 2014 raconte ses aventures. Après la longue marche que vous avez entamée depuis Khenchela vers la capitale, vous comptez, cette fois-ci, recommencer à partir de Tlemcen. Quels sont vos objectifs ? C'est une aventure humaine exceptionnelle qui permet de se dépasser physiquement et d'être en contact direct, voire viscérale, avec la population algérienne, jeunes et vieux, pauvres et riches, dans les plaines et les montagnes. L'objectif de toutes mes actions politiques et des différentes marches est de réaliser un changement pacifique en Algérie afin de construire un avenir pour notre jeunesse algérienne sur la base d'un Etat de droit. Je souhaite réveiller les consciences afin de sortir de cette impasse politique causée par la maladie chronique du président Abdelaziz Bouteflika, qui fait beaucoup de tort au peuple algérien et à l'Algérie sur le plan international. Etant donné la gravité de situation sociale à In Salah et l'entêtement inexplicable du gouvernement d'exploiter le gaz de schiste en dépit du refus des populations concernées, j'ai décidé de bouleverser mon agenda personnel et politique. Au lieu des 550 km prévus de Tlemcen à Alger, j'envisage de marcher 1350 km d'In Salah à Alger sur une période de 40 à 50 jours à partir du 21 mars prochain inchaAllah. Ceci en solidarité avec les Algériens du Sahara pour dire «Non au gaz de schiste» et «Oui à l'unité nationale». Vous revenez des USA, où vous étiez janvier dernier pour demander l'extradition de Chakib Khelil pour qu'il soit jugé en Algérie. Où en êtes- vous dans cette démarche ? Avez-vous plus d'informations à nous avancer sur ce dossier ? Tout d'abord, je tiens à dire que j'ai eu un choc en apprenant la nouvelle de la bouche des autorités américaines à Alger, le 26 janvier dernier, que Chakib Khelil n'avait pas la nationalité américaine. Ce qui m'a aussi le plus choqué, c'est d'apprendre par le Département d'Etat à Washington que certains officiels algériens se sont plaints auprès de l'Administration américaine pour m'avoir révélé cette information très sensible. Durant cinq ans, le peuple algérien a été trompé. On lui a fait croire que la justice algérienne ne pouvait rien faire contre Chakib Khelil sous prétexte que l'ancien ministre de l'Energie disposait de la nationalité américaine. En réalité, il n'en est rien. Le passeport américain qui circule sur internet est un faux document pour tromper l'opinion publique algérienne. Chakib Khelil dispose uniquement d'une Green Card (carte de résidence). Ce faisant, les autorités américaines m'ont assuré que si la justice algérienne présente une demande d'extradition, elles ne s'y opposeraient pas. C'est dans cette perspective que j'ai saisi officiellement le ministre de la Justice afin qu'il entame cette procédure d'extradition. Si d'ici six mois, le dossier reste en l'état, je serai dans l'obligation de déposer une plainte pour corruption et blanchiment d'argent à Washington contre Chakib Khelil. Mais, d'ici là, j'ai bon espoir que TayebLouh, ministre de la Justice, fasse avancer ce dossier sensible. Vous appelez à une élection présidentielle anticipée. Quelles sont vos motivations ? Comment voyez-vous la faisabilité d'un tel projet ? Un grand pays comme l'Algérie, en état d'alerte maximale sur cinq de ses six frontières terrestres, ne peut pas se payer le luxe d'avoir à sa tête un Président très malade, qui de fait est devenu une proie facile à la merci d'un entourage sans scrupules et intéressé. Cette situation inédite dans l'histoire des démocraties doit cesser. Comme l'écrasante majorité du peuple algérien, je ne peux pas accepter que le Président et notre pays soient ridiculisés sur la scène internationale. C'est pourquoi, je pense que la chose la plus sage à faire est d'organiser, sous l'égide d'une commission électorale indépendante, une élection présidentielle anticipée en 2015 avec la participation de tous les partis politiques. C'est une idée qui a été avancée le 18 novembre dernier par l'opposition et à laquelle j'adhère à 100%. Les rencontres avec les leaders de l'opposition depuis deux mois s'inscrivent dans cette optique-là. Que ce soient Soufiane Djilali, Ali Benflis, Abderrezak Mokri, Abdelaziz Belaïd, Mohamed Dhouibi, MohcineBelabbas ou Mme Naïma Salhi, tous souhaitent une transition pacifique à l'occasion de cette prochaine présidentielle anticipée. Du côté du pouvoir, pour l'instant c'est le silence. J'ai demandé officiellement une audience auprès du président de la République sur ce point précis. L'histoire nous apprend que le silence n'est pas la meilleure réponse dans les situations de crise politique ou sociale. Je vais continuer mon chemin en rencontrant tous les leaders et personnalités politiques de notre pays. Je caresse l'espoir qu'en septembre les choses se décantent un peu plus, au nom du principe de réalité. Car l'Algérie ne peut pas rester dans cette situation inédite et intenable pour la population qui se sent prise en otage. Malgré tous les interdictions de marches auxquelles vous avez fait face, les interpellations dont vous étiez victime, la situation politique qualifiée par les partis, interdits d'organiser une simple réunion de «dégradante» et celles de la situation des droits de l'homme considérée par les défenseurs des droits de l'homme, de «rétrograde», vous continuez à qualifier le système politique algérien de «démocrate». Comment justifiez-vous votre position ? Je persiste et je signe. Oui l'Algérie est une démocratie, certes imparfaite, mais c'est une démocratie qui fonctionne à peu près correctement à 85%. Il y a une zone de perfectibilité de 15% à laquelle chacun de nous doit participer. Je précise que la marche de Khenchela à Alger n'a pas été interdite. Elle a été «perturbée». C'est différent. Pour preuve, malgré 5 arrestations (une à Beni Ourtilane, une à Seddouk et trois à Alger), j'ai réussi finalement à parcourir les 675 km de marche «pour un changement pacifique» que je me suis engagé à parcourir. Cette marche aussi longue à travers 9 wilayas de l'est du pays a été un phénomène inédit en Algérie. Les autorités n'avaient pas imaginé que je pouvais aller jusqu'au bout, ce qui explique ces petites interpellations sans violence, que je considère être des pauses pour mon corps mis à rude épreuve sur les hauteurs de la Kabylie. J'ai pu ainsi ressentir une part infime du calvaire de nos chouhada (Allah irhamhoum) et des moudjahidine dans les montagnes des Aurès et du Djurdjura pendant la guerre d'indépendance. Pour revenir à ma position sur la réalité démocratique imparfaite en Algérie, comment expliquez-vous que j'arrive encore à faire des allers-retours entre l'Algérie et le monde entier, malgré le contrôle judiciaire dont je fais l'objet depuis cette marche de Khenchela à Alger ? Les policiers, les procureurs et les juges que j'ai été amené à rencontrer lors de ces 5 interpellations, ne m'ont jamais donné l'impression que je vivais dans une dictature. Bien au contraire, puisque après chaque interpellation, j'ai été libéré immédiatement par les juges. Je tiens à faire une distinction importante à mes yeux. Une chose est de considérer que certains personnages de l'Etat abusent de leur pouvoir ou de leurs prérogatives pour porter atteinte à la liberté d'expression ou de mouvement de certains opposants ou simples citoyens. C'est une réalité manifeste. Une autre chose est de dire que l'ensemble des institutions du pays, dont celle de la Justice, obéissent aveuglément à ces personnages influents du moment. En venant en Algérie, je savais à quoi m'attendre. Avec la jeunesse algérienne et les sages qui ont vécu les affres de la décennie noire, je me battrai jusqu'au bout et pacifiquement pour que l'Algérie fortifie son Etat de droit pour le mettre à l'abri de ces quelques détenteurs obscurs du pouvoir qui, à mon sens, sont en train de vivre leurs derniers mois de quiétude. Vous n'avez adhéré ni à la démarche du FFS ni à celle de la CNTLD. Peut-on qualifier le parcours politique de Nekkaz comme «individualiste»? Je respecte tous les efforts des partis politiques (FFS ou CNTLD) pour sortir de cette impasse politique. Pour vous répondre directement, je n'ai jamais été individualiste. Mais je crois à la force de l'exemplarité. Car les Algériens ont perdu confiance en les hommes politiques qui ont leur ont donné l'impression, à tort ou à raison, de rechercher le pouvoir à des fins matérielles et personnelles. Les Algériens veulent des femmes et des hommes sincères et désintéressés. Et je crois humblement en faire partie. Je me considère comme un citoyen engagé dans un esprit de rassemblement. Comme je viens de le rappeler, je rencontre petit à petit l'ensemble des responsables politiques algériens en vue d'imposer au pouvoir une présidentielle anticipée en 2015.Cela du demande du temps. Et je ne suis pas pressé. Les cours du pétrole ne cessent de dégringoler. Les antigaz de schiste résistent encore au Sud devant l'insistance de l'Etat et les «provocations» du directeur de Sonatrach qui a déclaré récemment que son entreprise ne reculera pas quant à l'exploitation de cette énergie non fossile en Algérie. Que pensez-vous de la situation politico-économique du pays ? Quelles solutions proposez-vous pour sortir de cette crise ? La situation politique est bloquée. La situation économique est alarmante, car le gouvernement algérien a fait de notre économie une centrale d'achats de produits exclusivement étrangers pour acheter le silence de la communauté internationale et favoriser une oligarchie d'importateurs algériens. Avec la baisse vertigineuse des prix du pétrole et du gaz, ce schéma suicidaire a atteint ses limites. La folie du gouvernement, car il n'y a pas d'autre mot pour qualifier son comportement irresponsable, d'exploiter coûte que coûte le gaz de schiste à In Salah révèle clairement l'absence d'une vision économique, qui va coûter très cher à notre pays dans les mois à venir en terme de paix sociale. La solution la plus juste à In Salah est de mettre en place un moratoire de 7 ans, le temps de voir sereinement les technologies évoluer. L'entreprise française Total qui gère le site d'In Salah a tout intérêt à défendre ce principe de précaution. J'organiserai le 13 mars à 12h30 un rassemblement devant le siège de cette multinationale à Paris pour que Total accepte ce moratoire de 7 ans. Je me rendrai avant à In Salah le 4 mars prochain afin de proposer aux représentants de la population locale le principe d'une conférence nationale sur le gaz de schiste avec les leaders et personnalités politiques algériennes. Sur le plan politique, afin d'apaiser la situation sociale au Sahara, les responsables de l'énergie en Algérie devront tirer les conséquences de leur choix suicidaire en démissionnant. Sur le plan économique, d'un point de vue global, la solution est de mettre la priorité sans plus attendre sur l'agriculture, le tourisme culturel et des zones franches industrielles dans les 48 wilayas afin d'attirer des capitaux privés algériens et investir dans la production nationale, génératrice de centaines de milliers d'emplois. Le pays compte 190 000 policiers, soit 5 fois plus que notre voisin marocain. Je propose d'en ffecter 50 000 dans une police touristique afin de sécuriser les zones touristiques à venir. L'agriculture dont les importations (agroalimentaires) avoisinent les 15 milliards de dollars/an doit devenir à terme le 2e budget du pays après celui de l'éducation, afin d'augmenter notre productivité très faible aujourd'hui et baisser le volume des importations Quel modèle politique défend Rachid Nekkaz ? Quels sont vos prochains projets ? Je défends un modèle présidentiel fort dans le cadre du renforcement d'un Etat de droit où la justice est indépendante et où les organismes de contrôle, tels que la Cour des comptes ont tous les moyens juridiques et financiers pour lutter contre la gabegie et la corruption. Mon prochain projet c'est cette longue et douloureuse marche de 1350 km à pied entre In Salah et Alger en passant par Ghardaïa, Djelfa, et Laghouat pour dire «Non au gaz de schiste» et «Oui à l'unité nationale». Vous avez récemment lancé un projet musical avec le rappeur algérien Lotfi Double Kanon. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce sujet ? Lotfi Double Kanon m'a contacté avant mon voyage aux USA pour savoir si je serais d'accord pour faire un duo et un clip ensemble sur la liberté d'expression en Algérie. A mon retour des USA, on s'est rencontrés. Le courant est très vite passé entre nous. Nous sommes de la même génération. Il a 41 ans, j'en ai 43. Et j'ai été touché par la sensibilité et les convictions de Lotfi. J'ai alors accepté de participer à son projet et au clip qui a été tourné en banlieue parisienne. Je crois que le clip sera diffusé dans moins d'un mois inchaAllah. Mon objectif est de faire revenir Lotfi Double Kanon en Algérie car la jeunesse algérienne a envie de retrouver son idole. Lotfi est en plus un véritable artiste engagé, qui plus est très courageux à l'image du défunt Matoub Lounès.