En collaboration avec la Fondation Mouloud Feraoun et l'université de Tizi Ouzou, l'Etablissement Arts et Culture a organisé, lundi dernier, un hommage à la regrettée écrivaine Assia Djebar, à la médiathèque Didouche Mourad. Les intervenants, qui se sont succédé à la tribune, ont brossé un tableau des plus élogieux de l'écrivaine décédée le 7 février dernier, à Paris. En sa qualité de président de la Fondation Mouloud Feraoun, Ali Feraoun a précisé que la participation de la fondation à cet hommage posthume a pour objectif d'enrichir et d'apporter quelque chose de plus dans la connaissance de notre patrimoine. Ali Feraoun indique qu'en approchant et en regardant Assia Djebar, on découvre une personne d'une sensibilité à fleur de peau : «C'était un personnage, dit-il, saisissant quand elle racontait. C'était une magicienne des mots. Elle donnait une âme à chaque mot. Elle avait parlé de nos valeurs à l'Académie française en 2006 avec une manière persuasive et pénétrante qui touche. Les mots changent de couleur et de sens chez elle.» L'intervention du cinéaste, journaliste et poète Abderrahmane Djalfaoui a porté sur quelques réflexions personnelles. D'emblée, il précise qu'on reçoit toujours la nouvelle d'un décès à des moments durs. Et c'est à ce moment-là qu'on se rend compte qu'on est en face d'une icône. Assia Djebar prend une aura au moment où elle disparaît. Pour l'intervenant, il ne s'agit pas de rendre hommage à cette grande dame, mais plutôt qu'allons-nous-nous faire de ce potentiel extraordinaire et explosif de la littérature algérienne ? «Assia Djebar s'est attaquée à des sujets profonds. L'Algérie a donné naissance à des personnalités incroyables, mais, hélas, on ne leur a pas donné assez d'importance», argue-t-il. Abderrahmane Djelfaoui rappelle que la romancière, qui avait manié l'écriture avec élégance, avait décidé pendant huit ans de se tourner vers le cinéma, un retour aux sources du langage. C'est justement à travers le cinéma qu'elle va poser nombre de problèmes, mais elle va être mal comprise. Abderrahmane Djelfaoui se souvient que dans les années 1980, à la suite de séances-débat sur le film fiction d'Assia Djebar, La nouba des femmes du Mont Chenoua, réalisé en 1978, les gens n'avaient rien compris. Alors que la défunte montrait les décalages entre les mots et la réalité. Pour ce spécialiste, aujourd'hui c'est le seul film algérien qui va dans la dimension symbolique des femmes. «L'historienne a réalisé un film d'archives sur l'histoire algérienne. Elle a voulu chercher ses racines pour revenir à l'écriture. C'est une femme à la fois fragile et humble. Elle va faire un film compliqué sur la mémoire des femmes durant la Révolution. Dans ce film tranquille, elle va sur des terrains très difficiles et émotionnels. Les plans des femmes incarnent l'Algérie. Elle a fait un film sur l'Algérie des années 1970 qui n'existe plus. Elle nous laisse un film d'une charge émotionnelle extraordinaire. Elle revient avec les maladresses d'une romancière», explique-t-il. Toujours selon l'orateur, ce film documentaire montre un morceau de l'Algérie qui ne mourra jamais. «C'est pour cela qu'il faut se réapproprier ce patrimoine. Il faut attirer l'attention, car il n'y a pas une autre Assia Djebar, ni au Maghreb ni encore moins en Méditerranée. Elle demeure unique.» Il est à noter que cet après-midi - placé sous le signe de la mémoire - s'est clôturé avec la lecture du discours d'admission d'Assia Djebar à l'Académie française en 2006 par Massinissa Debbouz et par quelques extraits de textes lus par Brahim Noual.