Il est bien vrai et tellement évident qu'on ne peut retracer la longue vie et la gigantesque œuvre de la grande romancière Assia Djebar, décédée récemment à l'âge de 78 ans, au cours d'une seule rencontre, même en réunissant l'ensemble de ses lecteurs et de ses plus éminents spécialistes. Mais toute initiative s'inscrivant dans ce sillage demeure opportune et louable. Telle la conférence-débat tenue lundi à Alger à l'initiative de l'Etablissement Arts et Culture de la wilaya d'Alger, avec le concours de la Fondation Mouloud-Feraoun pour l'éducation et la culture, et l'Université de Tizi Ouzou, autour du patrimoine romanesque, cinématographique et théâtral de l'auteur de « Loin de Médine ». Le premier à intervenir a été Abderrahmane Djelfaoui. Pas en sa qualité de poète mais en sa qualité de cinéaste (de formation). Il a apporté son témoignage sur l'engagement effectif et militant d'Assia Djebar dans le 7e Art national qui vivait son apogée durant les années 70 et 80. Un engagement inattendu pour les uns, évident pour les proches de l'écrivaine ayant parvenu à réaliser son premier film « La Nouba des femmes du Chenoua » en 1978. « Lors de sa projection à la Cinémathèque algérienne où j'officiais, le film n'a pas été compris par les téléspectateurs d'où son faible impact sur l'opinion publique. Bien des années après, en revoyant son long métrage à deux reprises sur Youtube, j'avais enfin saisi la portée culturelle et sociale de cette œuvre que je conseille d'ailleurs aux jeunes de voir », suggère les poète en mettant l'accent sur la passion que cette grande femme de lettres nourrissait pour l'image. « Assia Djebar est passée, pour un temps, du verbe à l'image pour soulever un certain nombre de problèmes qui secouaient le pays, le problème de la langue en tête », poursuit-il. Un problème que l'étudiant Massinissa Debbouz a tenu à expliciter à travers l'obsession de la romancière à puiser le suc de sa littérature de la civilisation arabo-berbéro-musulmane en mettant en avant ses plus illustres figures, telles qu'Ibn Rochd, Ibn Khaldoun, Ibn Arabi, et bien d'autres penseurs qui nous ont fait découvrir la philosophie et la sociologie à l'époque où le monde occidental pataugeait dans son ténébreux Moyen-Âge. Le dramaturge Brahim Noual a axé son intervention sur l'intérêt porté par Assia Djebar au théâtre à travers sa pièce écrite en 1969, et intitulée « Rouge l'Aube ».