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Nous avons su tirer des leçons de notre expérience au pouvoir
Rached Ghannouchi Président du parti Ennahdha (Tunisie)
Publié dans El Watan le 10 - 04 - 2015

Très contesté par la gauche tunisienne et accusé de connivence avec les djihadistes, Rached Ghannouchi a reçu El Watan Week-end
Ennahdha, avec le reste du gouvernement, a marché le 29 mars dernier contre le terrorisme. Cela met-il fin au discours nahdaoui qui appelait à «l'immunisation de la révolution» ?
Ennahdha, en tant que parti membre de la coalition gouvernementale, a appelé à la marche nationale de lutte contre le terrorisme. Ennahdha a stoppé la loi de l'immunisation parce que nous ne voulions pas que notre pays tombe dans le piège d'une exclusion mutuelle.
L'ancien régime nous a privés de nos droits citoyens et exclus pendant plus de vingt ans ; nous ne voulons pas reproduire ce drame. Nous voulons faire de la réconciliation nationale une priorité, tourner une nouvelle page, pour la Tunisie, bâtir un futur dans lequel chacun a sa place.
C'est la raison pour laquelle, malgré le fait d'avoir une majorité au Parlement, nous avons voté contre cette loi. Ceci a préparé le terrain pour ce que nous constatons aujourd'hui en termes d'unité nationale et de lutte contre le terrorisme. Nous avons réalisé les dégâts que l'attachement à des lois similaires a créés en Libye et en Irak. Nous voulons épargner à notre pays d'emprunter ce chemin.
Comment Ennahdha voit-il l'émergence des groupes terroristes, notamment Daesh en Afrique du Nord ? Comment votre parti se positionne-t-il vis-à-vis de l'idéologie djihadiste ?
La position de notre parti a toujours été très claire vis-à-vis des groupes terroristes. Quiconque aurait recourt à la violence, au discours de haine et au terrorisme devra être sanctionné par la loi. Lorsque nous étions à la tête du gouvernement, nous avons désigné Ansar Al Charia comme organisation terroriste et avons renforcé le contrôle de l'Etat sur les mosquées afin d'éviter que ces lieux soient utilisés par ceux qui aimeraient diffuser un message de violence en instrumentalisant la religion. Nous pensons également qu'il y a un vrai besoin de coopération régionale avec nos voisins afin de lutter contre ces groupes terroristes dont le but est de semer le chaos.
Ennahdha peut-il revenir au pouvoir un jour malgré les accusations portées par la société civile qui reproche notamment au parti sa complicité ou son laxisme vis-à-vis des djihadistes ?
Ce que vous appelez «société civile» ne dépasse pas quelques militants d'extrême-gauche qui scandent des slogans dans des manifestations. Aucune organisation de la société civile digne de ce nom n'a porté d'accusation semblable à notre égard.
Ceux qui, depuis l'assassinat du martyre Chokri Belaïd, se sont exprimés de la sorte ont toujours été incapables d'apporter des preuves à ce que nous considérons être de la diffamation et de la calomnie.
Vous avez déclaré vouloir mettre au programme du prochain congrès d'Ennahdha des réformes dans les priorités du parti. Quelles seront ces réformes ?
Le congrès du parti est une opportunité de revoir régulièrement notre travail, nos priorités, d'impliquer nos membres et de regarder vers le futur. Ennahdha a évolué grandement au cours des trente dernières années. Nous étudierons pendant ce forum les réformes nécessaires pour le pays et le parti.
Pensez-vous que le discours progressiste dans votre parti, à la base islamiste, a été imposé par la société tunisienne, ou bien existe-t-il une propre volonté du parti de laisser les discours archaïques contrairement aux autres partis islamistes du Maghreb ?
Le parti Ennahdha est un parti tunisien, proche des Tunisiens, qui évolue en harmonie avec les aspirations de notre peuple. Nous avons su tirer des leçons de notre expérience au pouvoir ces quatre dernières années. Le discours que nous tenons est en accord avec nos principes fondateurs qui sont la défense de l'Etat de droit, le respect des principes constitutionnels et la protection des droits et des libertés.
Quelle est votre relation avec les partis islamistes algériens, aussi dans l'opposition ?
Nos relations avec tous les partis politiques des pays frères sont basées sur le dialogue et le respect mutuel. Nous n'interférons pas dans les affaires intérieures de nos voisins et nous ne souhaitons pas qu'ils le fassent dans notre politique intérieure. Cependant, notre philosophie, à l'intérieur et à l'extérieur de la Tunisie, est de permettre l'échange et le débat avec tous nos partenaires.
Notre expérience a prouvé que le dialogue est la clé de la résolution de conflits et nous entendons bien poursuivre sur cette voie. Nous aspirons à développer des relations positives avec nos voisins, avec nos partenaires, quels qu'ils soient.
Le Parlement algérien a voté une loi criminalisant les époux violents contre lesquels sont prévues des peines de prison. Les partis islamistes algériens ont boycotté le vote, considérant que déposer plainte contre son mari ne fait pas partie des principes des musulmanes. La Tunisie a déjà voté une telle loi. Comment regardez-vous ce qui se passe en Algérie ?
Le parti Ennahdha a voté pour l'égalité entre les hommes et les femmes dans la Constitution tunisienne. Nous avons voté pour la parité dans la loi électorale et nous avons défendu l'incrimination de la violence faite aux femmes. Un projet de loi renforçant la lutte contre les violences contre les femmes va bientôt être déposé à l'Assemblée des représentants du peuple.
Les membres de notre groupe parlementaire sont particulièrement mobilisés sur cette question, notamment celles et ceux qui ont défendu avec succès les droits des femmes au sein de l'Assemblée nationale constituante.


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