Jeudi, à l'ouverture du 10e congrès, Amar Saadani est apparu détendu. Une première pour celui qui a toujours arboré une mine renfrognée, accentuée par les profondes rides qui barrent son front et le font passer pour un éternel bougon. Pour le leader du FLN, l'Etat a déployé les grands moyens. De très nombreux véhicules de police stationnaient aux abords de l'édifice et un important dispositif a été mis en place à l'intérieur de l'enceinte. La Coupole du 5 Juillet a été transformée pour l'occasion en camp retranché et il fallait montrer patte blanche pour pouvoir y accéder. Les organisateurs ont même eu recours à des bodybuilders venus d'une salle de culturisme d'El Harrach pour assurer la sécurité. Des culturistes en maillot noir, exhibant fièrement leurs muscles et prenant très au sérieux leur rôle. Pendant toute la durée de l'ouverture des travaux, ils ont fait en sorte que les journalistes soient cantonnés dans un petit espace. «Succès» Pour le secrétaire général, cette première journée a été vécue comme une consécration. Avec la présence de la grande majorité du gouvernement, du corps diplomatique accrédité, de nombreuses délégations et de plus de 6300 participants, Amar Saadani avait de quoi pavoiser. D'autant que la venue surprise du Premier ministre, Sellal, a accentué cette impression de pouvoir, alors qu'entre les deux hommes le courant n'est jamais passé. Saadani n'hésitant pas à brocarder dans la presse Sellal, le comparant à un amateur de la politique, alors que lui en maîtrise les codes. «Sellal n'est pas fait pour la politique. Sur ce terrain, il est un mauvais joueur. Il devrait se contenter de son rôle dans l'Exécutif», avait-il jugé, lors d'une passe d'armes qui les avait opposés. Cette présence a vite donné lieu à des supputations parmi les congressistes, persuadés de la nomination de Sellal au comité central, alors qu'il n'a jamais milité au parti. «Il y a de fortes chances que Sellal fasse partie du CC», confiait un membre du bureau politique sous couvert de l'anonymat, avant d'ajouter : «Au FLN tout est possible.» Un comité central qui a de fortes chances de ressembler à une armée mexicaine. On annonce un CC a plus de 400 membres, alors qu'il en comptait 351. Conséquence directe du nouveau découpage opéré par la direction, qui a fait passer le nombre des mouhafadhas de 48 à 111. «Soutien présidentiel» C'est ce que nous confirme un membre du bureau politique. Calculette à la main, il explique le processus : «Si vous prenez en compte le fait que chaque mouhafadha aura 2 membres au CC et que chaque wilaya aura une femme, et en ajoutant ceux qui seront repêchés parmi l'ancien CC et ceux qui devraient y faire leur entrée, il faut s'attendre à un comité central proche de celui du Parti communiste chinois.» Mais pour le secrétaire général contesté du FLN, le moment tant attendu a eu lieu quand Tahar Khaoua, ministre des Relations avec le Parlement, porteur d'un message du président Bouteflika, est monté à la tribune pour lire d'une voix chevrotante la parole présidentielle. En quinze minutes, le président Bouteflika le confortait dans sa position et récriminait ses détracteurs. Dans son message, le Président saluait son action pour être resté «fidèle aux principes et aux valeurs du FLN. En dépit de tous les obstacles et les contraintes et malgré les tentatives de déstabiliser le parti, le FLN reste uni et fort», une flèche en direction des redresseurs, accusés de vouloir déstabiliser le parti. En outre, le Président a approuvé le projet de rajeunissement décidé par la direction. «Je reste persuadé que le parti du Front de libération nationale, qui entame une nouvelle étape de son parcours, évoluera en adéquation avec les exigences de l'heure en se dotant des moyens de se positionner à l'avant-garde de l'incontournable processus de renouveau», a-t-il affirmé. Face à tant de considération, Amar Saadani n'a pu se retenir d'un renvoi d'ascenseur. Il a proposé aux congressistes la désignation du président Bouteflika comme président du FLN, alors qu'il en était le président d'honneur. Une proposition qui a été entérinée à l'unanimité. Pourtant, dans son message, le Président avait tenu à rappeler : «Mes responsabilités constitutionnelles exigent de moi de n'être partisan d'aucun parti mais le Président de tous les Algériens.»