Il a dû se passer sans doute quelque chose de grave pour que le président Bouteflika, sur conseil certainement avisé de ses conseillers et de ses proches, procédât à un inattendu changement en profondeur dans les corps sensibles de la sécurité présidentielle, de la Garde républicaine et de la sécurité intérieure. Leurs chefs ont été sans autre forme de procès «limogés». C'est bien la première fois qu'on parle de limogeage à de tels postes, voire dans les changements opérés par le chef de l'Etat aux hauts postes de responsabilité civils et militaires. La tradition de la maison veut que l'on mette toujours les formes pour préserver l'honneur et la dignité des responsables débarqués, en laissant croire qu'ils sont appelés à d'autres fonctions. Virtuelles, bien évidemment. La réaction de la famille du patron de la sécurité présidentielle, limogé via le site électronique TSA, dans laquelle elle se défend de ce que le général-major Medjdoub ait fait l'objet d'une sanction pour manquement à ses responsabilités comme suggéré, illustre clairement à cet égard que la diplomatie, qui a toujours régulé les rapports à l'intérieur du système pour maintenir les équilibres, n'est plus de mise. Abdelaziz Belkhadem avait été la seule personnalité à subir ce genre d'affront. Son départ du poste de ministre d'Etat conseiller à la présidence de la République, annoncé par un communiqué mettant fin à ses fonctions, s'apparentait à un limogeage en règle. Dans ce coup de semonce lancé par Bouteflika contre le corps des services de la sécurité présidentielle et du renseignement, seul a été épargné le général-major Mohamed Médiène que l'on disait pourtant en disgrâce depuis la charge inspirée en haut lieu par Saadani, le patron du FLN, contre le chef du Département du renseignement et de la sécurité (DRS). Sans aller jusqu'à parler de réhabilitation du général Toufik, deux lectures s'imposent face à ces changements au scalpel fin, qui ressemblent à une opération chirurgicale dans les services de sécurité. Un tel changement ciblé laisse suggérer que le DRS et son patron sont hors de cause par rapport aux négligences ou dysfonctionnements relevés dans les services touchés par les changements. Mais il peut aussi signifier que les rapports entre le président de la République et le patron du DRS sont si complexes qu'ils ne peuvent pas pâtir d'événements qui pourraient remettre en cause le deal et le fragile équilibre qui lient ces deux pôles du pouvoir. C'est l'hypothèse la plus plausible car, en tant que patron suprême des services de renseignement, le général Toufik est le chef hiérarchique des responsables des patrons des services limogés, notamment du chef du Département du renseignement et de la sécurité intérieure. Il a, à ce titre, une responsabilité organique sur le fonctionnement de ces structures. Les changements opérés à la tête des services de la sécurité présidentielle et du renseignement intérieur sont d'autant énigmatiques que les responsables limogés, notamment ceux de la Garde républicaine et de la DRSI n'ont pas connu une grande longévité à ces postes. Et pourtant, leur fidélité et loyauté à Bouteflika sont connues de tous. On parle même d'alliances familiales entre le patron de la sécurité intérieure limogé et le Premier ministre, Abdelmalek Sellal. Cet événement ne va-t-il pas affaiblir le Premier ministre, qui risque d'être la future victime (collatérale) des changements décidés par Bouteflika à la tête des services de sécurité et du renseignement ? Pour d'autres motivations liées aux bilans de leur gestion ou à des arbitrages relationnels au sein de l'Exécutif, des ministres, dont certains avaient la réputation de compter parmi le précarré présidentiel, à l'instar de Amar Benyounès, ont perdu leurs postes selon le même procédé dégradant et humiliant. L'été risque d'être encore plus chaud du côté du palais d'El Mouradia.