Existe-t-il des cancers qui touchent uniquement certains pays d'un continent ? Oui, le cancer du cavum affecte essentiellement les Turcs et les Maghrébins. Quelle est l'origine de ces tumeurs ? Qu'est-ce qui caractérise les pays qui sont touchés par cette pathologie ? Des professeurs et des chercheurs algériens et turcs mènent actuellement des recherches approfondies pour découvrir l'origine de cette tumeur commune à leurs deux pays. Le cancer du cavum (rhino-pharynx), qui n'existe ni en Europe, ni en Russie, ni aux Etats-Unis, touche essentiellement les Maghrébins. En France, 7% des personnes atteintes de cette maladie sont toutes originaires du Maghreb. Pour le professeur Enis Ozyar, chef du département radiation du groupe de soins Acibadem d'Istanbul, ce cancer atteint les personnes âgées de 10 à 20 ans puis fléchit entre 30 et 50 ans. Les facteurs causant cette maladie, selon une étude épidémiologique en cours, seraient le mariage consanguin ainsi que le régime alimentaire. «Nous travaillons en étroite collaboration avec des chercheurs et médecins algériens pour cerner l'origine de cette maladie. Pour l'heure, les études scientifiques montrent que les premières causes sont d'ordre génétique», explique ce spécialiste en radiothérapie. D'après ce groupe de chercheurs, qui a alerté contre les mariages consanguins très répandus chez les musulmans — il se situe à hauteur de 34% —, il n'existe pas de statistiques officielles sur ce type de cancer, ce qui complique leur travail. Une étude est menée sur 70 cas d'enfants à travers le monde, dont des Maghrébins, et les résultats seront publiés cette année. «Plusieurs professeurs de différentes nationalités, dont des Algériens, des Turcs, des Français, travaillent sur cette pathologie. Nous essayons de déterminer ce qui la provoque, d'essayer de trouver un remède et faire dans la prévention si réellement il s'agit d'un problème génétique», note le Pr Enis Ozyar. Au-delà de ce travail qui rapproche les médecins turcs de leurs collègues algériens, aujourd'hui, d'aucuns reconnaissent que la Turquie est internationalement reconnue comme une destination médicale. Des centaines d'Algériens s'y font soigner dans des cliniques privées, et ce, à titre privé dans ce pays qui s'est doté, en 2005, d'un Conseil de développement du tourisme de la santé. Les algériens se soignent à titre privé Le groupe Acibadem qui regroupe 17 complexes hospitaliers reçoit, chaque année, plus de 1500 Algériens qui viennent des quatre coins de l'Algérie pour se faire opérer, pour la plupart d'un cancer ou d'une greffe hépatique ou moelleuse. Sur place, des malades algériens témoignent : «Certains ont sollicité leurs proches et vendu tous leurs biens pour se faire opérer d'un cancer, étant donné que leur technique en matière de chimiothérapie est plus développée et demeure de courte durée, d'autres patients sont pris en charge par des associations de bienfaisance.» «J'ai vu plusieurs médecins et plusieurs spécialistes à Constantine, j'ai fait toutes les analyses nécessaires, mais aucun médecin n'était précis sur ma maladie. Alors, j'ai décidé d'aller voir ailleurs. Au départ, je devais partir en France, mais les soins étaient excessivement chers ; alors, je me suis retourné vers la Turquie dont les tarifs proposés étaient plus ou moins acceptables», raconte Mohamed, originaire de Biskra. Mohamed s'est fait opérer d'une greffe de la moelle et subit régulièrement des contrôles. Même si la clinique lui propose des tarifs en se basant sur le pouvoir d'achat des Algériens, Mohamed estime que sans le remboursement par la Sécurité sociale, les Algériens se ruineraient pour se soigner en Turquie. A ce sujet, les responsables du groupe Acibadem viennent de signer un accord avec la Caisse nationale des assurances sociales (CNAS). Une délégation de la CNAS a séjourné en Turquie et visité l'ensemble des services du groupe hospitalier d'Acibadem. A l'issue de cette visite, des pourparlers ont été engagés et des conventions seront signées incessamment pour la prise en charge de cinq pathologies, notamment pour la radiothérapie, la cardiopathie pédiatrie, la greffe hépatique, la greffe de la moelle et les problèmes liés aux déformations dues au rachitisme. «Nous allons nous rendre prochainement en Algérie pour la finalisation de ces conventions qui sont en bonne voie. Nous avons également discuté d'un accord pour la prise en charge de la formation de médecins algériens», nous explique Mme Maria, chargée des relations internationales au sein de ce groupe.