Inoxydable et infatigable. A 95 ans, Ali-Yahia Abdennour, lucide mais aussi fougueux et radical, continue d'interpeller les consciences qui gisent au plus profond d'un pays malade. C'est en pleine résignation qui gagne des pans de la société que cet éternel indigné refuse de se rendre. Au renoncement, il oppose une lucide résistance. C'est le sens de son livre Lettre ouverte au pouvoir, qu'il a présenté hier à la libraire des Beaux-Arts, à Alger. Un pamphlet contre le système du pouvoir instauré par la violence dès l'indépendance. Un livre dans lequel il fait une critique sans concession des pouvoirs qui se sont succédé depuis 1962. Mais il réserve la part belle au régime Bouteflika, qu'il qualifie de «pharaon». Et c'est avec sa légendaire élégance qu'il a rencontré des gens de divers horizons et âges venus rendre hommage au long combat d'un homme exceptionnel. «C'est homme extraordinaire, un modèle de résistance et de rectitude morale», commente un jeune homme en attendant son tour de saluer le vétéran militant des droits de l'homme et repartir avec une dédicace. A l'intérieur de l'étroite librairie, chacun y va de son commentaire sur l'engagement et le parcours de Ali Yahia Abdennour. «C'est notre Stéphane Hessel national» ; «C'est l'homme qui prolonge le combat des martyrs de la Révolution» ; «C'est l'homme de la dignité algérienne» ; «Ali Yahia est l'homme des droits de l'homme»... Ils ne tarissent pas d'éloges pour décrire un homme à part. Mais avant d'échanger avec tout ce beau monde venu saluer son combat, Monsieur Droits de l'homme a tenu s'exprimer devant les journalistes pour présenter son livre, publié par les aux éditions Koukou. Du nom du royaume qui a vu naître Ali-Yahia bien des siècles après sa chute. Rappelant les conditions politiques dans lesquelles Bouteflika est arrivé au pouvoir, Ali-Yahia Abdennour juge que «le pays traverse une situation dangereuse. Les menaces sont internes et externes. La nation est en danger. La crise a besoin d'un règlement politique, pas par la violence, car elle profite souvent au pouvoir». «Le poids des idées et l'exigence de liberté et de justice finiront par peser sur la société qui établira une transition de courte durée qui ouvrira la voie à la démocratie», soutient-il. Il convie l'opposition politique à porter un projet national et invite Bouteflika à se retirer. «La meilleur solution est que le président Bouteflika se retire», recommande-t-il. Ali-Yahia Abdennour ne manque pas d'humour, caricaturant le pouvoir et les décideurs et analysant l'évolution des rapports de force au sein du pouvoir depuis que le patron des Services, le général Toufik, a été démis de ses fonctions : «C'est en hiver que Bouteflika a déshabillé Toufik pour le laisser mourir de froid. En donnant plus de vêtements au chef d'état-major qui est déjà suffisamment habillé, c'est pour mieux l'étouffer.» Commentant le retour de Chakib Khelil, le président d'honneur de la LADDH estime que «c'est la démonstration que la justice n'existe pas, ne peut rien. Les Algériens ne croient plus en la justice».