L'infatigable militant des droits de l'homme, Ali Yahia Abdenour, a été honoré hier, à l'occasion de la célébration de l'anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui coïncide avec le 10 décembre de chaque année. L'initiative a été prise par des membres de certaines familles de disparus de la décennie noire qui ont décidé de rendre hommage à l'un des défenseurs de leur cause, en particulier, et des droits de l'homme, en général. «Nous voulons honorer cet homme pour son combat pour la justice et les droits humains», explique Hacène Ferhati, un des initiateurs. Ces derniers n'ont pas cherché un lieu public pour accomplir leur initiative. Ils se sont rendus au domicile d'Ali Yahia Abdenour, ancien président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH), à Alger, pour honorer son long parcours dans la défense des droits de l'homme. Symboliquement, on lui a offert un bouquet de fleurs et un cadre à son effigie sur lequel est écrit : «Nous, les familles des disparus, nous n'oublierons jamais ton combat à côté de nous pour la vérité et la justice». Sans protocole, Ali Yahia a reçu ses invités dans le salon de sa maison dans une atmosphère lourde d'émotion. Malgré son âge et le poids des ans, il ne montre aucun signe de fatigue, lui qui est affabulé du vocable flatteur de «militant infatigable des droits de l'homme». «Bienvenue, bienvenue», a-t-il répété à plusieurs fois. Après avoir pris place, Hacène Ferhati lance à l'adresse d'Ali Yahia Abdenour : «Maître, nous avons décidé de vous honorer pour votre combat pour les droits de l'homme.» «J'ai fait mon devoir»,, a-t-il répondu avec modestie, signifiant qu'il n'aime pas les hommages. «J'ai fait juste mon devoir. Je suis avec le droit et l'Etat de droit», a-t-il insisté. Il n'a pas manqué de demander des nouvelles des familles des disparus. Toufik, Hassan et les autres Au cours des échanges, l'ancien président de la LADDH s'est exprimé sur certaines questions d'actualité, notamment l'affaire des généraux et la lutte des clans. «Ces derniers temps, les journaux ne parlent que de Toufik (l'ancien patron du DRS, en retraite depuis quelques mois). Mais c'est lui qui nous a menés là où nous en sommes. C'est le DRS qui a organisé les fraudes électorales», a-t-il dit. «On ne peut pas les défendre (les généraux en prison)», a-t-il ajouté, rappelant que le général Toufik avait soutenu le président Bouteflika pendant trois mandats. «On demande la justice pour tous. Depuis toujours, on demande la vérité et la justice», a-t-il poursuivi. Il estime que l'Algérie ne peut pas continuer à vivre dans cette situation, rythmée par les luttes au sommet de l'Etat. Puis un membre de la délégation intervient : «Le général Hassan a été condamné à 5 ans de prison, et c'est le tollé général. Que doit-on dire alors nous qui avons perdu nos proches.» Ali Yahia soutient que si en haut, on ne se met pas d'accord, les conséquences seront graves pour le pays, surtout si la société civile réagit. Il craint que le peuple sorte dans la rue dans le sillage de ces désaccords. Pour appuyer ses propos, il rappelle le contexte de 1953, une année avant le déclenchement de la guerre de Libération nationale. Les centralistes et les messalistes, qui n'avaient pas trouvé un terrain d'entente, ont raté la guerre. «Les centralistes n'ont rien fait pour la Révolution et les messalistes étaient contre la Révolution», a-t-il dit. Des élections libres Ali Yahia Abdenour ajoute qu'il ne soutient aucun des clans qui se disputent le pouvoir. «On est contre les deux clans», a-t-il affirmé. «On veut des élections libres pour qu'arrive enfin la démocratie», a-t-il ajouté, soulignant que la question des disparus ne doit pas être oubliée. «Il faut qu'ils disent où sont les disparus», a-t-il plaidé avant que Ferhati n'exprime son espoir qu'il y ait toujours des vivants parmi eux. Emu, Ali Yahia dira que l'Algérie a besoin d'une justice indépendante pour avancer dans le sens de la démocratie, de la justice et de la vérité. Interrogé sur la situation des droits de l'homme dans le pays, il s'est félicité que la cause soit défendue par tous (femmes, ouvriers…), tout en regrettant que la LADDH qu'il a lui-même créée s'est fragmentée en plusieurs morceaux.