L'Assemblée populaire nationale (APN) a adopté hier, à la majorité, le projet de loi de finances 2018 (PLF-2018), en l'amputant de l'article 12 devant instituer un impôt sur la fortune. L'initiative du gouvernement, pourtant dûment validée en amont par le Conseil des ministres, est purement et simplement rejetée par la Chambre basse du Parlement, sous prétexte que «l'administration fiscale n'a pas les moyens de recouvrer l'ISF», en plus «du risque de fuite de capitaux vers le secteur informel et l'étranger». Un argument contestable qui n'a pourtant pas été commenté hier, par le ministre des Finances lors du point de presse improvisé à la fin du vote de la loi de finances. Plutôt impassible, le grand argentier du pays a botté en touche, estimant notamment, dans ses réponses à la presse, que «le Parlement est souverain dans ses décisions» et que «le plus important n'est pas de recouvrer un impôt sur la fortune, mais de mener à bien le contrôle fiscal». Abderrahmane Raouia avait pourtant défendu l'ISF lors de la présentation du projet de loi de finances 2018 devant l'APN, soulignant que l'objectif de l'introduction de l'impôt sur la fortune est de «réaliser une plus grande équité entre les opérateurs économiques et une solidarité plus large avec les différentes catégories de la société», hier le ministre a préféré faire marche arrière en soulignant, qu'«il existe déjà un impôt sur le patrimoine». Il a également réfuté l'argument selon lequel les milieux d'affaires, et particulièrement «le Forum des chefs d'entreprise (FCE), seraient derrière la suppression de l'article portant impôt sur la fortune» par la commission des finances. «Ceci n'est pas vrai», a déclaré M. Raouia. Un avis loin d'être partagé par les députés de l'opposition qui crient à la manipulation politique et incriminent le FLN et le RND notamment, d'avoir usé de la promesse d'un impôt sur la fortune «le temps de la campagne électorale pour les élections locales», avant de passer le témoin à la commission des finances pour balayer la mesure, dans un partage des rôles orchestré par la majorité. Lors du débat précédant le vote du projet de loi, les députés du Parti des travailleurs, ont accusé le gouvernement de «manquer de courage politique» et de «faire le jeu des forces de l'argent», alors que le peuple, dont le pouvoir d'achat s'amenuise de jour en jour, «est écrasé d'impôts». Une politique fiscale à deux vitesses — au détriment notamment des salariés dont les impôts sont prélevés à la source —, qui a longuement fait réagir les autres partis de l'opposition, dont les partis islamistes. La suppression de l'impôt sur la fortune est d'autant plus contestable que la commission des finances a approuvé sans sourciller, comme en 2016, des hausses de taxes, dont celle sur les produits pétroliers, qui aura un impact certain sur le pouvoir d'achat des citoyens, au vu des cumuls des augmentations et de la spéculation qui touche tous les produits de large consommation, dont les prix ont au moins triplé en l'espace d'une année. Il est à rappeler que le projet de loi de finances 2018 devait introduire un impôt sur la fortune sur le patrimoine d'une valeur supérieure à 50 millions de dinars, dont essentiellement les biens immobiliers, les véhicules particuliers, les yachts et bateaux de plaisance, les chevaux de course, les avions de tourisme, les objets d'art estimés à plus de 500 000 DA, les bijoux et pierreries, or et métaux précieux. Une source de revenus substantielle pour l'administration fiscale que le Parlement a donc décidé de dédaigner. Par contre, le Parlement a accepté que soit appliquée une augmentation de la taxe sur les produits pétroliers (TPP). Une hausse de 5 DA le litre pour l'essence et de 2 DA pour le gasoil. Ainsi les nouveaux tarifs de la TPP en 2018 seront de 14 DA/litre pour l'essence super et sans plomb, de 13 DA/litre pour l'essence normale et de 4 DA pour le gasoil. Les nouveaux prix à la pompe seront de 38,64 DA pour l'essence normale (contre 32,69 DA en 2017), de 41,67 DA pour l'essence super (contre 35,72 DA), de 41,28 DA pour l'essence sans plomb (contre 35,33 DA) et de 22,8 DA pour le gasoil (contre 20,42 DA). Ces prix sont calculés sans tenir compte des révisions éventuelles des marges par décision de l'Agence nationale de contrôle et de régulation des activités dans le domaine des hydrocarbures (ARH). Selon le gouvernement «cette démarche vise notamment à rationaliser la consommation de carburants, réduire les importations, augmenter les recettes fiscales, diminuer les subventions budgétaires et endiguer le phénomène de la contrebande frontalière». La mesure devrait générer des recettes supplémentaires de l'ordre de 61 milliards de dinars. Il faut savoir, par ailleurs, que le projet de loi de finances 2018, adopté hier, prévoit sur le plan budgétaire des dépenses globales de 8628 milliards de dinars composées de 4043,31 milliards de dépenses d'équipement et de 4584,46 milliards de dépenses de fonctionnement. Quant aux recettes budgétaires, elles sont de 6496,58 milliards de dinars, composées de 3688,68 milliards de dinars de ressources ordinaires et de 2807,91 milliards de dinars de fiscalité pétrolière.