Le photographe de presse iranien Jahangir Razmi, lauréat du prestigieux prix américain de journalisme Pulitzer 1980, est sorti de l'ombre récemment grâce à un article du Wall Street Journal.La singulière histoire part d'août 1979 quand Razmi crée une photo montrant l'exécution froide de onze Kurdes sans armes par un peloton de soldats de la République islamique en épilogue d'une mascarade de procès public. Après sa publication sans signature, pour assurer la sécurité de son auteur dans le quotidien iranien Ettela'at, le document exceptionnel a fait le tour du monde via l'agence UPI, et repris par des centaines de publications. Par ce témoignage poignant le monde a pu ainsi commencer à saisir les dimensions des violences et atrocités du régime de Khomeïni, en contrepoint à sa propagande de « révolution verte ». L'administrateur du Prix Pulitzer a expliqué dans un communiqué : « A l'époque où nous avons décerné ce prix anonyme, pour la première fois de notre histoire, nous espérions bien que le nom émergerait. Nous sommes très heureux de pouvoir après vingt six ans honorer un récipiendaire de valeur pour cette photo emblématique » L'anonymat a été préservé jusque-là en accord avec l'éditeur du journal iranien. L'auteur sera présent à la cérémonie de mai 2007, avec les primés de l'année ; en accompagnement de sa prestigieuse distinction il recevra un certificat et un chèque de 10 000 dollars. Agé aujourd'hui de 58 ans J. Razmi vit à Téhéran. Dans le Wall Street Journal, le rédacteur en chef de Ettela'at a expliqué la nécessité de l'anonymat : « Je voulais protéger Razmi. » Un autre aspect important de cette singulière histoire est l'enquête qui a fait sortir de l'anonymat Janhangir Razmi. Spécialiste des enquêtes économiques au quotidien new-yorkais, son auteur Joshua Prager a mené un travail de fourmi depuis l'été 2002, à partir d'un livre recensant les lauréats Pulitzer. « J'ai mis beaucoup de temps à remonter la piste », a-t-il affirmé. « Quand, finalement, j'ai pensé que le photographe était toujours en vie à Téhéran, j'ai tenté de contacter M. Razmi des Etats-Unis, mais c'était très difficile de naviguer entre les vrais et les faux informateurs. Je ne parle pas persan et, quand j'ai enfin réussi à rencontrer M. Razmi à Téhéran, en août 2005, j'ai réalisé que j'avais parlé au téléphone avec des interlocuteurs qui se faisaient passer pour lui, mais qui n'étaient pas lui. L'auteur de l'enquête a souligné que le photographe de presse a réalisé son travail en respectant les règles de la profession : « Il avait la permission d'un juge pour prendre ces photos. Il a donné les négatifs aux autorités quand elles les lui ont demandés. Il n'a pas touché un centime avec ces clichés publiés à l'étranger. Aujourd'hui, ce n'est pas lui qui a cherché à me contacter, mais plutôt l'inverse. » Le journaliste du Wall Street Journal prépare un livre élargissant son travail d'enquête.