L'Irak n'est pas près de sortir du chaos. Sur le terrain, la violence succède à la violence et au plan politique, c'est toujours le blocage. La Constitution de l'Irak post-Saddam n'est toujours pas prête, faute de consensus entre les parties irakiennes, malgré les pressions américaines. Le gouvernement irakien a estimé possible un nouveau report d'une semaine du dépôt devant le Parlement du texte de la Constitution, négociée par les dirigeants politiques depuis le 7 août, sans progrès apparent. La possibilité a été évoquée par le porte-parole du gouvernement, Leith Koubba, à la presse à Bagdad. “Si le texte n'est pas déposé et qu'un nouveau délai n'est pas demandé, ce sera un aveu d'impuissance qui aura pour conséquence la dissolution du Parlement et la transformation du gouvernement en cabinet expédiant les affaires courantes, jusqu'à de nouvelles élections”, devait-il avertir. La Constitution était supposée être présentée au Parlement le 15 août mais, devant les désaccords des leaders politiques sur la place de l'islam dans la législation, le fédéralisme et la répartition des richesses, les députés ont voté, à la dernière minute, un délai d'une semaine qui s'est achevé hier à minuit. Ces questions continuent de poser problème alors que les négociations se poursuivent d'arrache-pied, sous l'œil de l'ambassadeur américain. Des sources proches des débats ont indiqué que l'ambassadeur américain, Zalmay Khalilzad, avait incité les Kurdes à assouplir leur position sur le partage des richesses pétrolières et le droit à l'autodétermination. Les Kurdes ont déjà proposé de renoncer à l'autodétermination, si les chiites font de même sur l'islam, dont ils veulent faire la seule source du droit. Le problème est que, d'un côté, les Kurdes veulent préserver leur identité et les acquis engrangés par leur communauté, depuis 1991, à l'issue de la première guerre américaine contre Saddam Hussein. De l'autre, les chiites, majoritaires, rêvent d'établir une république à l'identique avec celle de l'Iran, dont ils partagent l'idéologie et la religion. Les sunnites souhaitent, eux, voir s'établir un pouvoir comme ceux en vigueur dans le monde arabe, c'est-à-dire avec des références à l'islam, au moins pour ce qui concerne les relations sociales. La phrase d'une source proche des négociations sur la Constitution résume clairement l'enjeu irakien : “D'un côté, un groupe qui veut une Constitution du XXIe siècle et, de l'autre, un autre qui en veut une du VIIe siècle.” Les Etats-Unis, selon cette source, mettent les deux groupes à égalité, ne souhaitant qu'une seule chose : l'adoption à temps de la Constitution. Un négociateur sunnite, Saleh al-Motlak, a déploré l'attitude des Kurdes et des chiites, accusés de laisser cette minorité sur laquelle Saddam avait fondé son pouvoir, de côté, réaffirmant que lui et les siens restaient fermement opposés au fédéralisme. La fumée blanche tarde à venir Le député kurde, Mahmoud Osmane, a comparé ces négociations à l'élection du pape, soulignant que la fumée blanche tarde à s'élever sur le conclave des dirigeants politiques irakiens. Sur un autre plan, l'Irak a haussé le ton avec ses voisins desquels elle exige plus de fermeté dans la lutte contre le terrorisme. Bagdad demande à ses voisins de coopérer plus avec lui dans la lutte antiterroriste, sinon de mieux surveiller leurs frontières, d'où s'infiltrent les terroristes arabes rejoignant les groupes en place en Irak. L'Irak, qui reproche à Amman de donner refuge à des financiers et des chefs rebelles et de laisser la famille du président déchu Saddam Hussein avoir des activités politiques, souhaite conclure des accords de sécurité avec ce pays, ainsi qu'avec la Syrie et les Emirats arabes unis. Bagdad, qui affirme détenir plus de 280 étrangers, dont une écrasante majorité de ressortissants arabes, pour implication dans des actes terroristes, a défendu la décision de son gouvernement, critiquée par l'Onu, d'exécuter des personnes condamnées à mort pour des actes de violence, en soulignant qu'il y avait un consensus sur cette question dans le pays. D.B Les Kurdes ne céderont pas sur le fédéralisme Les kurdes ne céderont pas sur leur volonté que l'Irak soit un Etat fédéral et ne feront plus de concessions dans les négociations sur la future Constitution, a déclaré un représentant kurde dans un article publié, hier, par le Wall Street Journal. Le fédéralisme est le minimum absolu que le peuple du Kurdistan irakien acceptera, écrit dans cet article Qubad Talabani, représentant aux Etats-Unis du gouvernement régional des Kurdes irakiens et fils du président irakien Jalal Talabani. Personne ne devrait s'attendre à ce que les Kurdes reviennent sur les progrès que nous avons faits en établissant des institutions comme le gouvernement régional du Kurdistan et l'Assemblée nationale du Kurdistan élue, a insisté le représentant kurde. Son avertissement est paru à un moment où les dirigeants politiques irakiens s'efforçaient de parvenir avant lundi minuit à un accord sur le texte de la future Constitution. Faute d'accord, le gouvernement irakien a évoqué dimanche la possibilité d'un nouveau report d'une semaine du délai pour le dépôt du texte devant le Parlement. L'un des principaux obstacles à un accord est que les sunnites sont hostiles à ce que l'Irak devienne un Etat fédéral, estimant que cela conduirait à un éclatement du pays. Une partie des chiites sont également hostiles au fédéralisme. R. I.