La nuit, la ville de Tichy vit à un rythme effréné. Musique à fond et alcool à gogo. Si pour les noctambules, l'été est le temps de la fête, pour les autres, les propriétaires des hôtels, des bars et des discothèques, c'est celui du business. A partir de 22h, les boîtes de nuit sont pleines à craquer. Les clients viennent des quatre coins du pays. Rien qu'en jetant un regard sur les plaques d'immatriculation des voitures, l'on constate que beaucoup de gens viennent de Sétif, de Batna, de Bordj Bou Arréridj et de Constantine. A l'intérieur de ces boîtes, des femmes aux tenues légères se proposent aux clients sous le regard sombre et vigilant des videurs et des physionomistes. Sihem, 33 ans, originaire de Sidi Bel Abbès, est l'une d'elles. Elle fréquente ces milieux depuis 10 ans. Mariée et divorcée à 20 ans, elle a une fille de 12 ans qui vit à Sidi Bel Abbès. Elle débourse 8000 DA/mois pour sa location à Tichy et paie sa chambre d'hôtel à 500 DA la nuit. « La chambre, c'est juste pour pouvoir travailler ici. On la loue à quatre », précise-t-elle. Ses clients sont des émigrés et des gens qui viennent de l'intérieur du pays. « Une fois que je trouve quelqu'un (un client), je le fais monter dans une chambre d'hôtel qu'il payera à 1500 DA (pour quelques heures) ou à 3000 DA (pour la nuit) », indique-t-elle. Du 15 juillet au 31 août, les boîtes de nuit — qui pullulent à Tichy — font des gains importants qui leur permettent de combler le déficit du restant de l'année. En hiver, c'est tout le contraire. Elles sont quasi-vides. Les hôtels aussi, car ces derniers tournent grâce à ce que l'on appelle ailleurs le tourisme sexuel. Si officiellement aucun responsable d'hôtel ne reconnaît cela, la réalité reste tout de même frappante. Longtemps cantonnée à l'intérieur de ces établissements, cette activité, qui semble être bien tolérée par les pouvoirs publics, commence à déborder dans la rue. La population de Tichy s'est élevée à maintes reprises contre ce phénomène qualifié de pure prostitution. Une pétition a été déposée au bureau du maire et du chef de daïra, en vain. « Rien n'a été fait. Actuellement, je ne peux pas faire une balade en ville en famille. C'est devenu insupportable », regrette Djamel, un loueur de parasols. Le chef de daïra dit que ce n'est guère son problème. « Ils nous disent que ce sont des clientes. En plus, elles ne font pas du racolage dans la rue. Elles ont des droits », dénote-t-il. Pour lui, il s'agit aussi du respect des libertés individuelles de chacun. Du côté de l'APC, on estime qu'il faut réglementer cette activité et nettoyer les écuries d'Augias. Mouloud Mersel, chargé de la communication, suggère comme solution de retour des maisons closes, qu'elles soient soumises à un contrôle rigoureux. C'est un avis partagé aussi par Nourreddine Haddad, directeur du tourisme de la wilaya de Béjaïa qui, en tant que professionnel, espère ainsi que l'on rende « la moralité aux hôtels ». Pour lui, il est clair que derrière ces établissements, il n'y a pas de professionnels pour la simple raison qu'ils ne font aucun effort pour attirer la clientèle. « Ils tentent ça par l'alcool et les femmes », déplore-t-il. Il précisera que son département n'a aucun pouvoir répressif et qu'il est difficile d'apporter la preuve, M. Haddad estime qu'il faut au moins « maquiller la pratique ».