Une grande quantité de câbles électriques de la voie ferrée a été volée tôt dans la matinée du mardi à El Hamma (Alger). Un énième sabotage, qui s'est produit à quelques centaines de mètres d'un barrage de police fixe. Selon des sources proches de la société Alstom qui travaille sur l'électrification de la voie ferrée, il s'agit du 127e cas de vol de câbles de cuivre, ayant engendré depuis le début des travaux (un peu plus d'une année) une perte sèche de 2 millions d'euros et des centaines d'heures de travail perdues. En termes plus précis, les mêmes sources affirment que ces vols ayant aussi ciblé les câbles de signalisation (en cuivre) font perdre à Alstom 5% de son chiffre d'affaires, ce qui est énorme pour la société. Pour nos interlocuteurs, tant que ces câbles ne sont pas sous tension, alors que les travaux sont quasiment terminés, il est pratiquement impossible d'arrêter cette catastrophe. « Lorsqu'une partie d'un câble est coupée, la société est obligée de refaire toute l'installation, par conséquent il faudra multiplier les coûts de réalisation », nous a-t-on indiqué. Contacté, le directeur général de la Société nationale du transport ferroviaire (SNTF), Abdelhamid Lalaïmia, n'a pas manqué de tirer la sonnette d'alarme sur ce phénomène, en reconnaissant que les pertes qu'il induit dépassent les 2 millions d'euros. « Ce sont plus de 55 km de câbles qui ont été volés par des réseaux bien organisés. Plus grave, nous avons de nombreux wagons à l'arrêt parce que leurs équipements de frein, à base de cuivre, ont été volés. Parfois, ces actes provoquent des incidents dangereux, comme les déraillements, carrément des accidents électriques provoqués par des câbles pendants qui heurtent le train », a déclaré M. Lalaïmia. Il a précisé qu'en dépit des efforts en matière de sécurité, fournis par la société, les vols ont tendance à prendre de l'ampleur, d'autant que tout au long de la voie ferrée des bidonvilles ont poussé comme des champignons, notamment à proximité des gares. « J'ai moi-même fait le voyage Alger-Oran et j'ai constaté que des constructions illicites entourent presque toutes les gares et c'est aux alentours de ces constructions que le taux de vol des câbles est le plus important, sans compter ces jets de pierres au passage des trains qui ne cessent de faire des victimes parmi les voyageurs et l'équipage », a-t-il expliqué. Pour lui, tant que les exportations de déchets ferreux et non ferreux n'est pas soumise à un contrôle strict, « pour savoir qui vend quoi », les vols se poursuivront et c'est l'Etat qui est perdant. Le responsable a rappelé le démantèlement récent d'un réseau qui a volé 5 q de cuivre de la voie ferrée, entre Boucheggouf et Souk Ahras. « Il est important et même vital que les autorités obligent les exportateurs de déchets ferreux et non ferreux à prouver la traçabilité de leurs produits. Il y a un lien direct entre ces vols et les exportations. Nous avons remarqué que lorsque l'exportation a été bloquée pendant des mois, les vols ont sensiblement diminué pour reprendre dès la réouverture de ce marché », a conclu M. Lalaïmia. Une conclusion qui met le doigt sur le vrai problème dans ce scandale. En effet, les plus avertis savent que de nombreux exportateurs font de fausses déclarations sur l'origine et l'espèce des déchets qu'ils exportent et souvent ne rapatrient qu'une infime partie des revenus de ces opérations. Avec la complaisance ou la complicité de certains douaniers, des centaines de containers quittent les ports sans être contrôlés physiquement. Les scandales ne manquent pas. On pourra citer le cas d'une Eurl contre laquelle une plainte a été déposée à Alger, mais dont le patron a bénéficié contre toute attente d'un non-lieu. Pourtant, dans les documents présentés (en notre possession), il existe deux factures avec les mêmes références (numéro, date et signature). La première, présentée à la douane du port d'Alger, comporte uniquement des déchets d'aluminium et de l'inox, alors que la seconde, présentée aux douanes françaises au port de Marseille, comporte 17 containers de cuivre, avec une quantité de 73 t, sachant qu'à l'époque le prix de la tonne de cuivre avait flambé pour atteindre 5600 euros (en FOB, c'est-à-dire sans droits ni taxes). Comment ces containers ont-ils pu quitter le port sans être vérifiés ? Une plainte a pourtant été déposée par une société de négoce de métaux, mais après de longues péripéties, l'affaire a été close avec le non-lieu accordé au responsable de l'Eurl. Le plaignant s'est retrouvé quant à lui bloqué dans une grande partie de ses opérations d'exportation de déchets. Il est regrettable que ce courant de fraude, dénoncé déjà en début de 2000, continue à saigner le Trésor public à travers non seulement les actes de vol et de dégradation sur les infrastructures ferroviaires et de télécommunications, mais également avec les fausses déclarations établies par des pseudo-exportateurs sur l'espèce, la valeur et le poids. Dans le cahier des charges introduit récemment par le ministère du Commerce, une nouvelle clause a été introduite pour exiger la présentation des factures d'achat de ces déchets auprès des commissaires-priseurs. Néanmoins, de nombreux exportateurs utilisent une seule facture sur laquelle ils ne changent que les dates pour plusieurs opérations d'exportation. Une véritable mafia des déchets qui, face à la passivité des autorités, ne recule devant rien et utilise tous les procédés scabreux pour s'enrichir.