Les martyrs de la démocratie et de la revendication identitaire reviennent cette semaine. Six d'entre eux, Makhmoukhen Kamal, Chilla Farid, Ibrahim Saddek, Haddad Nadir, Haya Nordine et Saïdi Akli, sont tombés à Ighzer Amokrane, dans la commune d'Ouzellaguen, sous les balles des gendarmes les 25 et 26 avril 2001. Soit, les premières victimes à tomber en Kabylie dans le contexte des émeutes qui ont suivi la mort de Guermah Massinissa, le 18 avril 2001. Kamal Makhmoukhen fut ravi aux siens à sa sortie du lycée du 20 Août 56. « Nous sommes sortis manifester pacifiquement le long de la RN26 notre colère contre l'assassinat de Guermah Massinissa et l'arrestation d'élèves à Amizour quand nous nous retrouvâmes nez à nez avec des gendarmes à hauteur du siège de la daïra d'Ifri Ouzellaguen », se souvient son frère Med Salah qui a bien voulu nous recevoir, en présence de ses parents, chez eux à Tiouririne. « En plus des bombes lacrymogènes avec lesquelles ils nous visaient directement, les gendarmes ont fait usage de balles réelles dont l'une a fauché Kamal en face du siège de l'APC d'Ouzellaguen, le 25 avril 2001, à 9h30. Evacué une première fois vers la polyclinique de la ville où il a reçu les premiers secours, il a été réorienté à l'hôpital d'Akbou où il rendit l'âme des suites de ses blessures », poursuit-il. La gorge nouée par l'émotion, notre interlocuteur nous avouera sa « chance » de n'avoir pas vu son frère tomber, car il se serait rué sur les gendarmes par instinct de vengeance et n'aurait vraisemblablement pas survécu lui aussi. « Kamal était un fervent militant de la cause amazighe. Il avait organisé une exposition au lycée à l'occasion de la célébration du 20 avril 2001 », nous dit Med Salah en nous montrant quelques-unes de ses photos. L'Etat a-t-il indemnisé les victimes du printemps noir ? « Nous avons reçu en plusieurs tranches quelque 2,43 millions de dinars », affirmera le père de Makhmoukhen Kamal au moment où sa mère éclatait en sanglots. « Nous avons revendiqué et continuons à revendiquer un statut de martyr pour toutes les victimes du printemps noir », intervient Med Salah. « Mais ce qui nous révolte le plus, c'est l'impunité dont ont bénéficié les gendarmes assassins. Qu'a-t-on fait du rapport d'enquête de la commission Issaâd ? », se demandent les membres de la famille Makhmoukhen qui n'arrivent apparemment pas à faire entièrement le deuil de leur enfant tant que justice ne sera pas rendue.