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Un bout d'histoire sur la résistance oasienne
Publié dans El Watan le 21 - 05 - 2008

Sous l'égide de l'association Machaâl Chahid, l'Institut des techniques hôtelières de Bou Saâda a été, pendant la journée du 15 mai, le théâtre de joutes historiennes animées par des universitaires et des moudjahidine de la Wilaya VI historique.
Rehaussé par la présence de deux grandes figures du mouvement national, en l'occurrence Ahmed Mahsas et Arezki Basta, le premier colloque national sur la résistance à l'occupation coloniale de Bou Saâda et de sa région se voulait être le premier jalon d'une prospection historienne à l'effet d'apporter des éclairages à des pans entiers de l'histoire contemporaine du pays, en général et de la région, en particulier. De part sa position centrale, cette zone a constitué l'axe stratégique sur lequel l'Armée d'Afrique a buté au cours de ces multiples campagnes. Le maréchal de Bourmont ne disait-il pas à son ministre de la Guerre que le pays des Barbaresques sera conquis en 15 jours. Il aura fallu près d'un siècle pour que ses colonnes motorisées atteignent Tindouf et Tamanrasset. La bataille de Tit, au pied du Hoggar, n'a pu avoir lieu qu'en 1905. Qui mieux que le professeur d'histoire, Aïssa Djanit, proviseur du lycée qui porte le nom du Chérif Mohamed Ben Ali Ben Chabira, chef maraboutique, de Bou Saâda parlait de ce résistant dont la révolte ne fut réduite qu'en novembre 1849 ? Il faisait la jonction avec Mohamed Bouziane des Zaâtcha qui tombait à son tour sous le feu des canons en dépit de sa farouche résistance. Le feu de la résistance oasienne, qui s'inscrivait ainsi en lettres d'or sur le fronton de l'histoire, ne fut temporairement éteint qu'après la révolte de cheikh Amoud au Tassili N'Ajjer, dans le Hoggar, et au Tidikelt à l'orée du XXe siècle. Le 1er Novembre 1954 ne fit que raviver la flamme. La révolte du Chérif Mohamed Ben Ali Benchabira d'apparence localisée faisait partie d'un ensemble intitulé par l'armée coloniale d'insurrection des Zaâtcha. Prise en étau entre les cercles militaires de Bou Saâda, Biskra, Médéa et de Batna, elle ne fut réduite qu'après le monstrueux génocide de femmes, d'enfants et de personnes âgées. La force d'occupation ne s'arrêtait pas en si bon chemin, elle affamait les populations par le séquestre des biens, bien après leur reddition, elle ne se cachait pas de la volonté de spolier. Le maréchal Pélissier, duc de Malakoff et gouverneur général, rendu célèbre par les enfumades du Dahra, rendait un arrêt de séquestre daté du 13 novembre 1861. Le baron, Aucapitaine Salvador, dans Notice sur Bou Saâda (province de Constantine) Revue Africaine vol 6-18626 rapporte ce qui suit : « En 1845, une autre colonne, composée de cavalerie et ayant pour chef le général d'Arbouville, visita Bou Saâda. » Depuis ce moment, les expéditions qui battaient le Sud, à la poursuite de l'Emir ou de ses lieutenants, passaient par M'sila et Bou Saâda. En 1849, un marabout très influent, Mohammed Ben Ali Ben Chabira, réunissait souvent les Khouan de Bou Saâda dans une mosquée qu'il avait fait construire et y prêcha le djihad ou la guerre sainte. La puissante tribu des Ouled Naïl y comptait de nombreux adeptes et, lorsque Ben Chabira se joignit au fameux Bouziane, il entraîna plusieurs fractions à la révolte. C'était en 1849 : « Nos troupes se rendaient à Zaâtcha ; le général Charon, alors gouverneur général, résolut d'occuper Bou Saâda et de fonder un établissement sur ce point, intermédiaire important entre Biskra et EI Arouat. Le colonel de Barral y laissa une garnison de 150 hommes, affaiblis par les marches et commandés par le sous-lieutenant Lapeire. A peine le gros de la colonne fut-il parti, que la petite troupe française se trouva obligée de se réfugier dans la grande mosquée, et la ville se divisa en deux parties, dont une accepta notre domination. La djemaâ se réunit, et, à la suite d'une discussion fort animée, on prit les armes. Les Ouled Naïl accoururent sous les murs de la ville, et les Achache, les Ouled Si Harkat commencèrent le feu par la porte qui va de chez ces derniers au quartier des Mohamin. La garnison se trouva obligée de se défendre. La nouvelle de cette insurrection ne tarda pas à arriver à Bordj Bou Arréridj, poste important de la Medjana. Le capitaine Pein, qui commandait le fort, réunit précipitamment une cinquantaine de fantassins disponibles et se dirigea sur M'sila pour gagner en toute hâte Bou Saâda. C'était une tâche difficile et périlleuse, car on disait les Ouled Mahdi en pleine révolte. Il fallut au capitaine Pein une rare énergie pour surmonter les difficultés et triompher de l'hostile mauvais vouloir des indigènes ; il parvint cependant à rassembler quelques cavaliers et, laissant l'infanterie derrière, il prit, au galop, la route de Bou Saâda. La petite troupe contourna la ville et, malgré une vive fusillade, pénétra par Bab El Dzaïr. La garnison française occupait toujours la mosquée et fut renforcée, pendant la nuit, par l'arrivée du petit détachement de Bordj Bou Arréridj. Deux jours après, le khalife de la Medjana, Sid EI Mokrani, arrivait avec un nombreux contingent et le capitaine Pein put prendre l'offensive. A quelques jours de là, survint la colonne commandée par le colonel Canrobert depuis et avant Aïn Akherman, sa marche n'avait été qu'un lugubre convoi ; le choléra sévissait parmi ses soldats, obligés de repousser l'ennemi pour ensevelir leurs camarades. C'est là, qu'à un moment, harcelé par des forces considérables et voyant tomber les siens, le colonel Canrobert, dont le nom était déjà populaire dans l'armée d'Afrique, s'avança vers les Arabes, et leur montrant les cadavres, leur dit : « Fuyez, j'apporte la peste avec moi ! » Les tribus, épouvantées par ce désastre, se retirèrent. M. Canrobert continua sa marche vers Zaâtcha, sur la brèche de laquelle il devait s'illustrer, lorsque le 11 novembre, le colonel Daumas arriva devant Bou Saâda avec des troupes de cavalerie, lui aussi avait eu sa colonne rudement éprouvée par le fléau. A son apparition devant la ville, les bruits les plus sinistres circulaient parmi les populations arabes. De la Tunisie au Maroc, on parlait de nos prétendus échecs devant les Zaâtcha et des succès de Bouziane ; la situation pouvait se compliquer d'un moment à l'autre. Le colonel Daumas, dont les troupes étaient décimées, jugea qu'il fallait en finir. Le 14 novembre, il reçut la soumission solennelle des habitants de Bou Saâda, imposant à la ville une amende de 8000 FR(1), payable sous trois jours, outre des objets locaux de valeur : burnous, haïks, tapis, etc. Après de rudes épreuves, Zaâtcha tomba devant le courage persévérant de nos soldats. Bou Saâda était soumise ; on s'occupa sérieusement de l'occupation. Le mouvement réformiste de l'école badisienne ne fut pas en reste. L'association des Oulémas inscrivait la cité parmi ses places fortes, le défunt Abdelkader Bisker utilisait sa plume en guise d'arme effilée. Le mouvement national constitué de toutes les tendances partisanes, PPA, MTLD, UDMA et PCA regroupés plus tard sous la bannière du FLN a eu de nombreux militants et on ne sait par quel hasard, les plus actifs d'entre eux se prénommaient tous Abdelkader, de Bisker à Hamida, de Zelouf à Delaoui, de Amrane à Okka. Au déclenchement de la révolution de Novembre 1954, la population était fin prête, selon le commandant Omar Sakhri, membre du commandement de la Wilaya VI ancienne Zone 3 de la Wilaya i. L'opinion locale était préparée à l'insurrection de par l'incessante activité de ses militants et militantes. Les chefs locaux de la révolution ont choisi le mont de Zaâfrania dans le djebel Messaâd pour élire domicile et ce, jusqu'au recouvrement de l'indépendance. Ce lieu historique a été le théâtre de 12 batailles menées contre les armes les plus redoutables de l'arsenal colonial, dont l'aviation de combat. Il dira que Abdeldjebbar Ben Madani, que Dieu lui prête vie, a eu à mener avec onze de ses hommes un combat inégal contre une escadrille d'avions. Il n'a été déploré que la perte d'une victime civile. En hommage à ce haut lieu de la lutte armée, le défunt président Boudiaf s'apprêtait à commémorer le 30e anniversaire de l'Indépendance près de ce bastion inexpugnable. Les jeunes de la région ont participé ici et ailleurs à cette lutte sans merci menée contre l'oppresseur ; de Badèche, qui fut derrière la liquidation physique d'Amédée Froggée, selon Ahmed Basta et qui fut parmi les premiers guillotinés de Serkadji, à Mokhtar Abdelatif, Lamouri Fakani, Baghdad Guéouièche. Les filles de la région, dont Hafsa Bisker membre de l'Union générale de étudiants algériens (UGMA) et officier de l'ALN, Louisa Bouziane et d'autres ont marqué leur génération par leur engagement révolutionnaire. Le commandant Si Cherif Kheiredine, responsable des services de santé au maquis, a eu à évoquer les moments de gloire de la médecine de guerre où de véritables miracles chirurgicaux on été réalisés dans les cinq hôpitaux de campagne. Il parlera aussi de ces femmes handicapées à vie des deux mains pour avoir pétri le pain à des compagnies entières. La moyenne journalière de galettes préparées dépassait les 200 unités. Quant au capitaine Tahar Laâdjel, il évoquera le rôle déterminant de la communication au maquis, il parlera du bulletin quotidien et de la revue mensuelle Sada'El Djanoub, éditée en... couleur Il rappellera à l'assistance que ce sont les fortes colonies de M'Doukal et de Bou Saâda, installées à Alger, qui pourvoyaient le maquis en moyens d'impression. La première ronéo a été subtilisée du Palais du gouvernement siège du Gouvernorat général d'Algérie. L'Armée de libération nationale, qui a investi sous sa conduite en juin 1962 la cité, a eu à gérer la transition sociale et économique. Il rappellera à ce titre que la ville a été l'une des rares qui a assuré une année scolaire sans interruption. Après une visite, le lendemain à la zaouïa Rahmania d'El Hamel, les séminaristes se sont donné rendez-vous pour le deuxième colloque qui abordera probablement le mouvement national algérien.

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