« Nous avons usé de tous les moyens pour sensibiliser les députés sur le vote de cette loi. Malheureusement, le texte est passé comme une lettre à la poste et ce au détriment du droit de la défense. Cette loi, telle qu'elle est conçue, touche à l'indépendance de l'avocat en limitant sa liberté de plaider en toute autonomie et indépendance », a affirmé Maître Chérif Lakhlef, avocat, membre du conseil de l'ordre des avocats d'Alger. Selon lui, les avocats contestent « l'esprit de cette loi où sont citées les dispositions du code pénal en préambule, ce qui est contraire aux articles de la Constitution qui sacralisent la liberté de l'avocat et le droit de défense », a-t-il ajouté. Me Lakhlef affirme que les avocats « comptent poursuivre leur combat auprès de la chambre haute du parlement (Conseil de la nation) et auprès du président de la République pour obtenir l'amendement de certaines articles ». A ce titre, une opération de collecte de signatures des avocats a été engagée au niveau des tribunaux et des Cours pour imposer ce changement. « Une fois le nombre requis des signataires atteint, nous allons convoquer une assemblée générale de l'ordre pour débattre des moyens juridiques susceptibles de faire aboutir notre démarches auprès des autorités publiques », a-t-il ajouté. L'espoir est encore permis chez les avocats puisque le projet de loi en question ne sera présenté au Conseil de la nation qu'à partir du mois d'octobre, c'est-à-dire à la prochaine session parlementaire. « Ce projet de loi a suscité un débat houleux chez les parlementaires et même les sénateurs ayant suivi avec beaucoup d'intérêt le vote à l'APN », signale Adem Ghoubi, membre du Conseil de la nation. Selon lui, « des positions contraires au contenu de la loi se sont déjà exprimées chez les sénateurs avant même que la loi n'atterrisse sur le bureau du Conseil de la nation ». « Mais il faut savoir que le vote de n'importe quelle loi ne se fait pas de manière individuelle. Les gens peuvent exprimer leur avis et faire des propositions mais le jour du vote, l'élu se soumet aux instructions du parti qu'il est tenu de respecter. C'est le parti qui définit et oriente le vote des lois au parlement », a-t-il rappelé précisant que « le Conseil de la nation ne peut plus rien amender vu que cette chambre n'a pas les prérogatives de le faire ». Selon lui, « le projet, dont l'examen est prévu à la prochaine session, va passer comme ça a été le cas à l'APN ». Les députés se défendent A l'APN, les députés estiment avoir fait leur travail. « Le vote a été fait et c'est la majorité qui l'a emporté », soulignent les députés du FLN. « Je pense que l'attitude des avocats a été exagérée », estime Mohamed Kamel Abazi, du parti TAJ. « La contestation émane essentiellement des bâtonniers à qui on a voulu limiter la durée du mandat et plafonner les honoraires », a-t-il indiqué, affirmant que « la loi, dans sa dernière forme, est très acceptable et peut être amélioré avec le temps ». Selon lui, le texte « n'est pas une finalité en soi car l'objectif final est d'arriver à mettre en place un système de justice fiable et indépendant qui garantisse l'équité et la justice à tous les citoyens ». « Personne ne peut être contre l'indépendance et la liberté des avocats et personne ne peut accepter qu'on porte atteinte au droit de la défense. Ce qui a été soulevé dans les interventions des députés et même les avocats, députés à l'APN, ont voté en faveur de cette loi », a-t-il signalé. « La loi garantit le droit à la défense » Abdenour Kerraoui, président de la commission des affaires juridiques, administratives et des libertés de l'APN, a affirmé que la loi sur la profession d'avocat, adoptée par l'APN mardi soir, consacre « la liberté et l'indépendance de l'avocat et surtout le droit à la défense ». Dans une conférence de presse organisée, hier au siège de l'APN, M. Karraoui estime que « cette protection est visible dans les amendements introduits dans l'article 24 qui préserve la dignité de l'avocat et met en exergue le caractère amical dans le règlement des conflits surgissant pendant l'audience », a-t-il précisé. « Le juge n'a plus le droit de renvoyer un avocat dehors en cas de conflit ou malentendu surgit durant l'audience », a-t-il expliqué. « En cas de manquement à l'ordre, le juge procède à la levée de l'audience et les deux parties en conflit se réunissent pour régler le problème à l'amiable en présence du représentant du bâtonnat. Au cas où les deux parties n'ont pas trouvé de solution, le conflit est transmis au président de la Cour et au bâtonnier. Si le problème persiste, le dossier sera présenté au ministre de la Justice, pour la saisine de la commission nationale des recours, laquelle tranchera définitivement la question et de façon amicale », a précisé Kerraoui. Pour ce dernier, « la contestation observée chez les avocats et les bâtonniers sur le contenu de cet article est peut-être due à leur méconnaissance dudit article ». Le président de la commission a signalé aussi que la loi a introduit un nouvel article sur « la création d'un système rémunéré des avocats ». Ce système permettra aux avocats nouvellement diplômés d'exercer leur métier dans les bureaux avec un salaire et la sécurité sociale. M. Kerraoui est revenu sur l'élection du bâtonnier, affirmant que « la loi définit un seul mandat renouvelable une seule fois ». Le candidat à ce poste doit avoir un minimum de 12 années d'expérience et non pas 10 comme cela a été le cas avant. Il dira que « l'actuelle loi a libéré la création d'une organisation des avocats pour deux cours et plus » et autorise « la création des écoles régionales pour la formation des avocats sur la base de concours ».