Les députés de l'Assemblée populaire nationale (APN) ont adopté, mardi, à la majorité le projet de loi portant organisation de la profession d'avocat. Certains députés ont exprimé leur «refus» de certaines clauses. En effet, les députés ont adopté le projet de loi, article par article, lors d'une séance plénière présidée par Mohamed Larbi Ould Khelifa, président de l'APN en présence du ministre de la Justice, garde des sceaux, Mohamed Charfi. Les députés du Front des forces socialistes (FFS) et de l'Alliance de l'Algérie verte (AAV) ont voté «non» alors que les députés du Parti des travailleurs (PT) se sont abstenus. Les députés avaient proposé 121 amendements dont 29 approuvés par la commission en sus de deux propositions faites par le ministre de la Justice avant l'adoption de la loi. Le ministre a fait une proposition verbale lors de la séance d'adoption pour l'amendement des articles 32 et 97. L'article 32 porte sur la création d'une école nationale pour la formation d'avocats. Le ministre a proposé la création d'écoles régionales. Il a, également, proposé d'amender l'article 97 en demandant de ne pas impliquer le ministre de la Justice s'agissant de sa saisine en cas de procès verbal d'absence de l'avocat et de son remplacement aux réunions du Conseil de l'Union des barreaux, soulignant que cette question relevait du règlement intérieur de l'Union. Ces deux amendements ont été approuvés. Les amendements concernés consacrent l'utilisation obligatoire de la langue arabe lors de l'établissement des requêtes et correspondances, mais aussi lors des plaidoiries devant les juridictions algériennes ainsi que l'obligation pour l'avocat de suivre tous les cycles de formation en vue d'améliorer ses connaissances de manière continue. Il a également été procédé à l'élargissement des missions de la commission nationale des recours en vertu de l'article 24 amendé qui consacre le règlement à l'amiable des incidents d'audience. Concernant la création d'unions régionales des barreaux, de nouvelles dispositions ont été introduites portant possibilité de créer ces unions à la majorité absolue des avocats appartenant à deux cours de justice ou plus. Plusieurs de ces amendements ont touché la forme et non le fond et concerné «un changement de terminologie». L'article 22 relatif aux honoraires de l'avocat n'a pas été amendé tout comme l'article 100 concernant le nombre de mandats que peut exercer le bâtonnier et qui est d'un mandat de trois ans renouvelable une seule fois alors que les députés avaient demandé à ce qu'il soit revu à un mandat non renouvelable. Un acquis pour le citoyen algérien, dit Le ministre de la Justice, garde des sceaux, Mohamed Charfi, a affirmé pour sa part que la loi portant organisation de la profession d'avocat «est un acquis pour le citoyen algérien en premier lieu». Intervenant à l'issue de l'adoption de la loi en question par les députés de l'APN, le ministre a indiqué que cette dernière «est un acquis pour le citoyen algérien en premier lieu, pour la Justice algérienne et pour aussi bien les avocats que les magistrats». L'adoption de cette loi à la majorité «traduit le souci des députés de consolider l'Etat de droit en transcendant leurs appartenances politiques et en adoptant une approche purement nationale placée au dessus de toute autre considération», a souligné le ministre. «La défense n'est pas au service de l'avocat, mais plutôt de la Justice et des justiciables», a poursuivi M. Charfi, soulignant que le dialogue entre l'Union nationale des barreaux et le ministre de la Justice a été menée de manière «responsable où régnait un débat libre». Il a également salué le «rôle positif» de la presse nationale en termes de contact entre les deux parties et de développement du dialogue. Contestation Des présidents de groupes parlementaires de l'APN ont contesté le «rejet» par la commission des affaires juridiques, administratives et des libertés de leurs propositions «substantielles» dans le cadre de l'enrichissement de la loi portant organisation de la profession d'avocat. Ils ont estimé que la commission n'a adopté que des amendements introduits «sur la forme» concernant la terminologie sans pour autant changer le fond des articles qui touchent à l'indépendance et à la liberté de l'avocat. Dans une déclaration à l'APS à l'issue de l'adoption du projet de loi portant organisation de la profession d'avocat, le président du groupe parlementaire du Front pour la justice et le développement (FJD), Lakhdar Benkhellaf, a estimé que cette loi «ne sert dans sa mouture actuelle ni l'avocat, ni les magistrats et encore moins la justice algérienne». Il a déploré que cette loi «ne représente qu'un simple statut de l'avocat» ajoutant que la commission «a rejeté tous les amendements substantiels proposés par les députés notamment ceux relatifs à l'accès des licenciés en sciences islamiques à la profession d'avocat et à la levée de l'ambiguïté sur l'article 24". «Ce projet de loi ne sert que les bâtonniers et non les magistrats, encore moins les justiciables», a-t-il soutenu. Le député Ramdane Taazibt du groupe parlementaire du Parti des travailleurs (PT), a indiqué que son parti s'était abstenu du vote en raison du rejet par la commission des affaires juridiques, administratives et des libertés, des amendements «substantiels» présentés par le PT pour consacrer davantage les droits de la défense. Les députés du PT ont relevé une contradiction entre la profession d'avocat en tant que profession libérale et le barême des honoraires des avocats et avaient appelé à l'amendement de cet article, mais leur demande à été rejetée. Il a, également, déploré «le refus injustifié» de la création d'une union des barreaux pour chaque wilaya disposant d'une cour de justice. De son côté, le président du groupe parlementaire de l'Alliance de l'Algérie verte (AAV), Naamane Laouar, a dénoncé le rejet par la commission de la proposition de l'alliance portant amendement de l'article 24 de la loi en question, précisant que l'Alliance avait «rejeté en bloc» cette loi en raison de l'article 24 relatif au déroulement des audiences et qui met l'avocat seul face à ses responsabilité en cas d'incidents. Il a estimé que le fait que l'article 33 du même projet n'ait pas été amendé constituait une injustice à l'encontre des licenciés en Sciences islamiques car ne pouvant accéder à la profession d'avocat. Les députés du Front des forces socialistes (FFS) estiment, de leur côté, que le projet de loi «porte sérieusement atteinte au droit de défense» et c'est pour cette raison que le parti a décidé de le rejeter. Le texte de loi constitue une «régression des garanties des libertés, du droit de défense et de l'autonomie de la profession d'avocat» par rapport à l'ancienne loi qui régissait la profession, ont-ils estimé. Pour sa part, le député Bakraoui Abdelkader du Rassemblement national démocratique (RND) qui a approuvé le projet de loi, a estimé que ce dernier avait fait l'objet de tractations depuis une vingtaine d'années avant d'atterrir sur la table du Parlement ajoutant qu'il «a été élaboré de concert par les avocats et la tutelle».