Comment régler la problématique de l'économie informelle en Algérie ? C'est là l'objet d'un séminaire organisé, hier, à Alger, par le ministère du Commerce et l'Ecole des hautes études commerciales (HEC). Des chercheurs universitaires, des responsables des directions du commerce et des représentants des associations de défense des consommateurs y ont pris part. Selon des enseignants de HEC, l'économie informelle n'est pas le propre des pays en voie de développement et de l'Algérie en particulier. Economie souterraine, parallèle ou informelle, la notion est connue sous des appellations diverses aussi bien en Asie, avec des taux importants pouvant atteindre 90% si l'on prend l'exemple du Bangladesh, ou 16% dans les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 8% aux USA par rapport au produit intérieur brut (PIB). Le concept date de 1972, et ce suite à une étude du Bureau international du travail. En Algérie, les intervenants citeront des chiffres de l'Office national des statistiques (ONS) qui situent son ampleur, pour 2010, autour de 45% du PIB. Ce taux est passé de 20% en 1975 à 33,5% en 2001. Bien que ces chiffres « coïncident avec ceux des organisations internationales », précise Dr Rachid Alliouche, de HEC, certains expriment des doutes sur leur véracité, à l'image de son confrère Dr Allouat pour une question de fiabilité des statistiques. Parmi les secteurs qui portent le plus ce « fardeau », il y a d'abord les services avec 45%, le bâtiment et travaux publics (BTP) (37,4%) et l'industrie (17,3%). Sur les causes de ce marché informel qui est né surtout avec la crise de 1986, en Algérie, les experts citeront le début de la privatisation et les conditionnalités du programme d'ajustement structurel du FMI qui ont mis dans la précarité des franges de la société, l'ouverture tous azimuts du commerce extérieur, etc. Mais il faut le reconnaître, des pays d'Europe comme l'Italie, pour « une question de compétitivité », y ont eu recours en procédant à « des recrutements massifs de main-d'œuvre parmi les vagues d'immigrants », ajoute-t-on. Au-delà de ces aspects théoriques, il y a lieu de s'interroger sur les mesures à prendre, et c'est l'objet attendu de ce séminaire. Des mesures qui ne s'appuieraient pas sur l'instrument répressif mais qui tendent à résorber ce phénomène en l'ingérant dans la sphère légale, par la levée des contraintes, l'allégement des procédures ... « Aux problèmes structurels, il faut des réponses structurelles » qui devront contribuer progressivement à « l'extinction de ces activités par des mesures incitatives », observe un intervenant. 103 marchés informels réapparus dont 57 à Alger Selon Hadj Abdenour, directeur central au ministère du Commerce, l'Etat a consenti des efforts importants dans la résorption des marchés informels par « leur démantèlement et l'insertion de leurs acteurs dans l'économie légale ». Il a cité également le renforcement des infrastructures commerciales et les facilités d'obtention du registre du commerce. Au 31 décembre 2014, précise Hadj Abdenour, « l'Etat a éradiqué 872 marchés informels sur 1368 existants », atteignant un taux de 64%. Cette opération a également permis « l'insertion de 1.887 intervenants sur 41.974 », poursuit ce responsable. Toutefois, ce dernier n'a pas caché son désappointement face au retour à la case départ avec la résurgence de ces marchés. 103 nouveaux y ont été recensés dont 57 marchés à Alger. Parmi les pistes sur lesquelles travaille le gouvernement, il est prévu d'améliorer encore plus le climat des affaires, d'assouplir les formalités de création des PME, de créer des emplois en quantités suffisantes, et le tarissement des sources d'approvisionnement de ce type de marchés. Le séminaire été ouvert par le SG du ministère du Commerce, El Hadi Makboul, qui a, au nom du ministre, Amara Benyounès, considéré que le marché informel en Algérie, qui se nourrit de « la faiblesse du contrôle et de la déréglementation », est source « d'instabilité économique et d'évasion fiscale ». Ce phénomène pesant « tend à se consolider », observe-t-il, estimant que ce genre de réflexion avec la communauté universitaire est à même, par les diverses recommandations qui sanctionneront les ateliers, d'en « corriger les déviations ». Il a fait part de quatre conventions qui seront signées dans quelques semaines avec HEC, pour le compte du ministère et de ses organismes, dont la Chambre de commerce et d'industrie.