Le contrecoup des attentats parisiens du 13 novembre est pénible pour la communauté musulmane d'Europe. En dépit des appels des organisations musulmanes à faire la part des choses entre les extrémistes qui usent de la violence au nom de l'Islam, très minoritaires au demeurant, et l'écrasante majorité des musulmans qui pratique leur foi dans la simplicité et la tranquillité, dans le respect des valeurs des pays d'accueil, les actes islamophobes se sont multipliés. La suspicion s'est irradiée. Les craintes quant à la stigmatisation de toute personne à l'apparence arabe (en raison du prénom ou du nom de famille, du faciès ou encore de la nationalité) se sont vérifiées dans la vie courante si on en juge par les atteintes portées à ce qui peut symboliser, à tort ou à raison, la religion islamique. A la date du 19 novembre, le Conseil français du culte musulman a recensé, depuis cette meurtrière soirée du vendredi, 24 actes antimusulmans dont deux agressions de femmes en hidjab et 18 menaces s'exprimant souvent par lettres ou messages. Le décompte n'est certainement pas exhaustif puisqu'il ne prend en compte que les plaintes déposées auprès des services de sécurité. Les actions se résument à des dégradations de mosquées, des violences physiques, des injures, des tags et graffitis à caractère raciste alors que sur les réseaux sociaux ce sont des torrents de discours haineux qui s'y déversent. Au Royaume-Uni, 115 agressions islamophobes ont été décomptées, soit une hausse de 300%, a rapporté, hier, l'association spécialisée Tell Mama dans un rapport cité par The Independent. Ces agressions, qui peuvent être verbales ou physiques, ont été dénombrées pendant la semaine qui a suivi les attentats de Paris. Et ont ciblé principalement des musulmanes voilées âgées de 14 à 45 ans, précise la même source. Cette tendance à la suspicion et au rejet de l'autre met à mal la posture des personnalités, des courants et des associations de la société civile qui appellent à éviter les amalgames. Et ébranle les fondements du vivre-ensemble, érigé en slogan vantant la tolérance et une communauté de destin. Dans l'arène politique, à la veille des élections régionales en France, l'extrême droite s'engouffre dans la brèche ainsi ouverte en imputant tous les maux de la société hexagonale aux émigrés. Ses idées progressent dans les pans crédules de la collectivité. Elle escompte cyniquement des dividendes électoraux en surfant sur la peur qui s'est emparée de la population. Dans ces milieux xénophobes, on feint d'ignorer le caractère totalement indiscriminé des tueries du 13 novembre où ont succombé des musulmans. L'un des restaurants mitraillés appartient à un Algérien et le héros du Bataclan, qui a sauvé plusieurs vies, est aussi Algérien. Devant cette inquiétante montée du racisme, les esprits lucides doivent pourtant avoir le dernier mot. Ils doivent prendre en compte la position des institutions musulmanes qui reflète le sentiment général de la communauté musulmane. La Grande mosquée de Paris, le Conseil français du culte musulman, un collectif de 11 mosquées de Marseille... tous ont dénoncé les attentats et exprimé leur indignation. Et appelé à ne pas se laisser tenter par le cycle infernal des amalgames et des représailles. Mais cela, les esprits malintentionnés en ont cure.