Le journaliste d'aujourd'hui a perdu le monopole sur l'information. C'est l'une des conséquences des mutations technologiques sur lesquelles la chercheuse, docteur en sciences de l'information et de la communication et enseignante à l'Université de Bordeaux (France), Fatma Bensaâd Dusseaut, a mis l'accent, hier, dans une conférence à l'Ecole supérieure de journalisme. Une rencontre qui s'inscrit dans le cycle de formations académiques au profit des journalistes à l'initiative du ministère de la Communication. L'intervenante a soutenu que le journaliste n'est plus « ce gardien du temple de l'information ». « Le journalisme professionnel fait l'objet d'une profonde mutation avec l'avènement des nouvelles technologies de l'information et de la communication. L'internet pousse le journaliste professionnel à faire face à une économie de l'offre et non à une économie de la demande. Il se retrouve face à une surabondance d'informations en ligne, qui émanent d'autres sources que les siennes », souligne-t-elle. Elle signale dans ce contexte qu'on ne demande plus au journaliste d'aujourd'hui de ramener l'information, car on peut facilement l'avoir sur le net et plus rapidement. « Le temps de l'internet est court tandis que celui du journalisme est long. Et c'est cette longitude qui pourrait jouer en faveur du journaliste. Car cela lui permet de fournir des informations réfléchies, fiables. Il ne s'agit plus de rapporter l'information mais de la comprendre et de la faire comprendre », précise-t-elle. Et c'est ce qui distinguera, selon elle, les informations des journalistes dans la masse d'informations qui circulent sur les réseaux sociaux, les blogs et autres supports du Net. « La différence, c'est l'éthique professionnelle basée sur la liberté d'informer l'autre, la vérité et le respect de la personne humaine. Le journaliste doit fournir une plus-value dans l'information. Ce qui exige de l'investigation. Et c'est cela l'avenir du journalisme », assure-t-elle. Car le véritable danger, selon elle, c'est de noyer le vrai dans le faux et pour que tout le monde se retrouve submergé par cette masse d'informations. « L'internet demeure une source d'information et un espace de liberté. Mais cette liberté ne peut pas être approchée par l'éthique et la pratique journalistique professionnelle. L'absence d'éthique limite tout rapprochement avec le métier journalistique. La presse écrite a de l'avenir devant elle à condition qu'elle se lance dans l'investigation. Eclairer plus qu'informer le public », estime-t-elle. Le ministre de la Communication a indiqué, dans ce même sens, que les journaux n'auront pas de perspectives s'ils ne font que rapporter les informations de la veille, ne font pas de travail d'investigation, d'enquête, d'analyse, de reportages. « Les journaux doivent chercher d'autres sources que la publicité s'ils veulent aller loin, à savoir une information crédible. Personne n'a rien à dire quand un article est parfaitement sourcé », affirme-t-il. « A notre époque, d'après Dusseaut, nous avons plus que jamais besoin d'être accompagnés par une assistance intelligente pour comprendre les mutations. D'où le rôle du journaliste, plus important que jamais, dans cet espace pollué par des contenus formatés diffusés dans les réseaux sociaux entre autres », note-t-elle. A propos de ces réseaux, le ministre de la Communication pense qu'ils ne survivront pas sans un cadre d'éthique. « S'ils continuent à diffamer et à diffuser de la haine, ils mourront de leur excès de liberté », estime-t-il.