Pour illustrer le poids de l'internet sur le secteur de la presse imprimée, quoi de mieux pour la presse internationale que de mettre en perspective les acquisitions spectaculaire de célèbres titres de la presse internationale par de jeunes patrons de sociétés ayant fleuri dans la nouvelle économie de l'internet. Le plus significatif étant le rachat par Jeff Bezos, le jeune fondateur du site de commerce en ligne Amazon du mythique Washington Post, il y a moins d'une année pour la somme, du reste modique de 250 millions de dollars. La somme est certes conséquente mais pas suffisante pour justifier cette acquisition surprenante, y compris pour les journalistes du Washington Post, d'un titre qui existe depuis plus de 140 ans et dont l'histoire st intimement liée au scandale du Watergate qui a vu le président américain, Nixon, contraint à la démission, durant l'été 1974, des suites d'un travail d'investigation journalistique de deux de ses journalistes. « Le rédacteur en chef du Washington Post, Benjamin Bradlee met à plein temps sur cette affaires deux jeunes journalistes : Bob Woodward, ancien officier de l'US Navy jusqu'en 1970, et Carl Bernstein, qui a déjà douze ans de journalisme dans la presse écrite derrière lui. Intrigués par de nombreux éléments, ces derniers démêlent un écheveau compliqué dont tous les fils conduisent à la Maison-Blanche », relate sur cette affaire l'encyclopédie en ligne Wikipedia. Passé l'effet de surprise, les journalistes de ce quotidien en difficulté ont essayé de voir le bon côté de l'opération. Ayant perdu pas moins de 40% de sa diffusion, en l'espace de dix années, le Washington Post ne pouvait qu'espérer « que Jeff Bezos apporte des valeurs tels que son esprit d'entreprise, son innovation, son expérience et son point de vue novateur, lui permettant de réinventer le journal », comme l'écrivait sur son blog Jeff Jarvis, un journaliste spécialiste des médias, cité par le quotidien français Le Figaro. Connu pour ses positions tranchées sur l'avenir qu'il voit sombre de la presse papier, le patron du site de vente en ligne Amazon s'est néanmoins voulu rassurant sur le devenir de ce mythique titre dont il dit « comprendre le rôle crucial joué à Washington et dans notre nation » et promet que « les valeurs du Post ne changeront pas. Nos obligations à l'égard des lecteurs continueront à être au cœur du Post, et je suis très optimiste pour l'avenir », selon ce que rapporte le site du journal français jdd.fr. Hormis les rachats de journaux imprimés par les mastodontes de l'internet, la presse illustre le poids imposé par les nouvelles relations à la presse par le réseau internet en faisant l'analyse d'un nouveau phénomène. Habitués à quitter des rédactions de journaux pour aller exercer sous d'autres horizons, dans les secteurs économiques ou administratifs, le site jdd.fr relate un « fait nouveau, deux journalistes américains ont délaissé leur rédaction... pour se faire embaucher chez des géants des nouvelles technologies, afin d'y développer des projets éditoriaux. » Il est vrai que les grandes multinationales de l'internet, notamment Google, Facebook, Yahoo et autres sont devenues des « chasseurs » de contenus pour attirer et fidéliser leur utilisateurs, en leur offrant également du contenu informationnel. Le site français raconte ainsi dans le détail l'histoire de « David Pogue, 50 ans, rédacteur spécialisé dans les nouvelles technologies pour le New York Times a annoncé qu'il quittait son journal pour rejoindre Yahoo !, dirigé depuis un an par Marissa Mayer. » Après avoir avoué avoir souvent « rudoyé » les patrons et managers de Yahoo, ce journaliste semble avoir cédé au chant des nouvelles sirènes numériques, en expliquant son choix, par ces mots postés sur une de ses pages personnelles sur un site réseau social, repris par jdd.fr : « Il s'agit d'une entreprise qui est jeune, pleine d'énergie, agressive. (...) De toute évidence, le statut d'outsider peut être extrêmement motivant. Et pour ceux qui aiment créer de nouvelles choses – dont je fais partie - construire le nouveau Yahoo ! est une proposition très attrayante. » Le site français s'est également intéressé à l'autre mutation vers le monde numérique de Viviane Schiller, 52 ans, la « Responsable digitale du groupe audiovisuel américain NBC News ». Elle rejoint ainsi le site de microblogging Twitter où elle aura la tâche, selon le New York Times, de suivre « des partenariats avec des groupes comme NBC, la radio publique NPR ou le New York Times, trois médias pour lesquels elle a travaillé auparavant ». Pour décrypter ce phénomène, le jdd.fr fait appel au sociologue français Jean-Marie Charon, spécialiste des médias et du journalisme qui estime pour sa part que « Les fournisseurs d'accès, les moteurs de recherche ou les réseaux sociaux, aussi appelés ‘infomédiaires', ont un dynamisme et une tradition en matière de recherche et de développement qui les rend attractifs. Ils disposent, également, d'un budget conséquent pour débaucher des professionnels performants, afin de nourrir en contenus leurs portails. Les médias, eux, ne peuvent pas se permettre financièrement tout cela... » Ce mouvement de migration de journalistes vers les géants de l'internet, confirme une autre tendance relevée dans l'écosystème médiatique nord américain. On apprend en effet sur le site www.lesinrocks.com qu'une « enquête américaine souligne que 30% des journalistes traditionnels de presse écrite aux Etats-Unis ont perdu leur emploi entre 2006 et 2012, au profit de la création de 5.000 nouveaux postes dans la presse numérique ». Les indications viennent de l'association « American Society of Newspaper Editors », relayées par le think tank américain Pew Research Center, auteur de l'enquête révélant, selon le même site, que « le nombre de journalistes de presse quotidienne traditionnelle aux Etats-Unis avait chuté de 54.000 en 2006 à 38.000 en 2012, soit une baisse de 30%. » Parmi les enseignements tirés de cette enquête, la presse spécialisée note aussi une autre tendance de fond qui risque à terme de bouleverser la formation des journalistes. PRC relève, en effet, que ces nouveaux jeunes medias web ont plutôt tendance à recruter parmi les jeunes journalistes, car, écrit le site français, ils misent « désormais sur leurs capacité à dompter plus facilement les outils numériques que leurs aînés qui, eux, continueraient d'apporter leur expérience en terme de travail d'investigation. » L'autre bout de l'explication vient du rédacteur en chef du site d'information Quartz, Kevin Delaneye, un autre transfuge des salles de rédaction de presse, qui avance que « la formation des journalistes traditionnels n'est plus totalement adaptée à ce que le public recherche sur internet ». En dehors de ces impacts, le poids du réseau internet fait également son effet sur le métier de journaliste appelé sans cesse à s'adapter à un nouveau contexte marqué essentiellement par la disparition des limites spatio-temporelles. L'implication de telles caractéristiques impose au journaliste des bouleversements profonds dans ses façons de choisir les nouvelles, de collecter l'information, de la traiter et de la diffuser. Le site www.zevillage.net qui consacre un long article aux effets induits par les technologies du réseau internet sur la profession journalistique, et à leur impact profond, situe les grandes ruptures structurelles dans métier de journaliste dans les nouvelles tendances suivantes : « Une accélération de la production et de la circulation de l'information, notamment via les réseaux sociaux, un accès aux données immédiat et sémantique (data journalisme), un accès quasi incontrôlable à l'information de par la nature du réseau Internet (il est très difficile de couper le réseau), une convergence des différents médias sur Internet et surtout, une démocratisation de la production d'informations via les blogs et les médias citoyens. » Les flux de circulation de l'information sur le réseau internet sont une autre source de bouleversement du travail de journaliste habitué à la circulation de l'information d'un seul point émetteur vers une masse de récepteurs alors qu'avec internet, poursuit le même site « les flux d'information en réseau (many to many) ont dépassé la vieille logique des mass media (one to many) et circulent maintenant de manière horizontale. » Cette tendance qualifiée par zevillage.net de profondément « disruptive » change complètement la façon de faire du journaliste contraint d'abandonner son système de fonctionnement « pyramidal » pour aller sur des « logiques conversationnelles », caractéristiques du « journalisme 2.0 ». Temple déontologique de la profession journalistique, la vérification de l'information est également bouleversée par l'avènement de technologies logicielles de vérification, à l'instar, écrit le site « des solutions de factchecking automatisées comme Trooclick vont assister les journalistes dans leur travail de vérification ». Mais cela n‘enlève en rien à la complexité de la tâche du journaliste devenue compliquée par l'importance des volumes d'informations produites quotidiennement sur internet. D'où, de nouvelles contraintes pour le journaliste qui aura, selon zevillage.net plus « à filtrer qu'à produire de l'information mais cela ne doit pas se faire au détriment l'enquête sur le terrain. » Après avoir passé en revue tous les points de rupture amenés par internet dans le métier de journaliste, le site conclut à la nécessité, pour préserver cette noble profession, de se concentrer sur « ce qui fait l'essence du journalisme : l'enquête, la vérification et le recoupement des faits, la contextualisation, la mise en forme, le ton, l'angle, le style mais aussi la déontologie. » Mais apparemment, même avec ces prérogatives éthiques et déontologiques, le journaliste ne pourra pas arrêter l'intrusion des nouvelles technologies dans l'exercice de sa profession. Le pouvoir des algorithmes semble en effet sans limite, si l'on observe la nouvelle rapportée il y a quelques jours par la presse internationale selon laquelle le quotidien américain Los Angeles Times n'a eu besoin, le 17 mars dernier, que de trois minutes pour faire diffuser une « dépêche complète » sur le séisme qui venait de frapper la ville. Avec la mention que le papier a été entièrement rédigé par « un algorithme ».