Tendance n «Les Algéroises viennent de mettre bas l'étiquette collée longtemps aux femmes algériennes, et selon laquelle, elles sont casanières.» Accompagnée de son mari, une vieille femme avance à pas lents aggravés par cet âge avancé qu'on appréhende tant. Visiblement confuse, elle tente à chaque fois d'améliorer sa démarche, mais le fait d'être soutenue par le bras de son compagnon trahit sa tentative. «Elle est vieille et malade comme moi aussi d'ailleurs. Elle m'a forcé à venir ici malgré moi…», soupire son mari comme si quelqu'un l'avait interrogé. Le couple vient du côté de la Rue Larbi-Ben-M'hidi pour assister aux festivités qui se tiennent depuis plus d'une semaine à la place du Plateau des Glières, près de la Grande-Poste d'Alger-Centre. Passer de l'autre côté de la rue n'a été possible que grâce à l'intervention d'un policier, planté ici peut-être pour cela. Pendant qu'ils traversent – obligeant les automobilistes toujours pressés comme à l'accoutumée à s'arrêter – la vieille dame ne cesse de couvrir le policier de louanges et des mots tels que « Dieu t'aidera comme tu nous as aidés. Que Dieu te procure santé et paix…» La scène se déroule sous le regard sympathique et compatissant de centaines de personnes venues assister, elles aussi, à la énième soirée organisée à cette placette dans le cadre de la deuxième édition du Festival panafricain qu'abrite Alger depuis le 5 juillet dernier. Approchée pour donner ses impressions sur cette fête africaine plus qu'algéroise, la vieille Fettouma sourit et ne trouve rien à dire. «Nos petits-fils nous ont suggéré, depuis plus de quatre jours, de venir voir des spectacles qui sont organisés ici. Et depuis ils ne cessent de nous importuner. Aujourd'hui, nous avons fait le déplacement», répond son mari à sa place pour combler la timidité et le silence de sa femme. «Nos âges : j'ai soixante-quinze ans et elle en a soixante-dix», précise M'hamed avec fierté. Ce couple, à l'image de plusieurs autres d'ailleurs, témoigne d'une certaine envie débordante de rompre la monotonie régnant sur le quotidien des Algérois et particulièrement des Algéroises, tous âges confondus. Ces dernières, grâce aux spectacles nocturnes du 2e Panaf, viennent de mettre bas le préjugé longtemps colporté concernant les femmes algériennes selon lequel elles sont casanières. En effet, de nombreuses familles, rarement accompagnées par les «hommes», ont du mal à rater une soirée depuis le début de ce festival. Elles ont abandonné toutes les tâches ménagères qu'elles effectuent à cette heure-ci. «Je m'arrange pour finir mes tâches très tôt. Depuis le 5 juillet, je sers le dîner à 18h 30 et je sors avec mes deux filles afin d'avoir une bonne place pour assister au spectacle», soutient Feriel, la quarantaine qui ajoute toute souriante : «L'essentiel pour moi, c'est de vivre un moment agréable. Je sais que nous allons regretter la fin du Panaf.» Toutefois, les échos parvenus depuis de nombreux sites où se tiennent les festivités du Panaf renseignent sur la présence féminine soutenue. Elles demandent que «cela continue… mais avec un minimum de sécurité et de respect».