Tensions n La révolte que connaît le pays – depuis la mi-décembre – contre le chômage, a dégénéré ce week-end en émeutes sanglantes. Quatorze personnes sont mortes pendant les affrontements survenus ce week-end à Thala et Kasserine, dans le centre-ouest de la Tunisie, selon le bilan officiel annoncé hier, dimanche, par le gouvernement, alors que l'opposition parle d'au moins 20 morts. Selon le ministère de l'Intérieur, deux personnes ont été tuées hier, dimanche, parmi les «assaillants» à Kasserine et trois autres blessées plus ou moins grièvement, portant à cinq le nombre des morts dans cette ville depuis samedi dernier. Le bilan de cinq morts annoncés auparavant à Thala est resté inchangé, selon le ministère, qui a évoqué pour la première fois des affrontements survenus à Regueb. Quatre morts et deux blessés graves ont été signalés dans cette localité proche de Sidi Bouzid à 265 km de Tunis, où plusieurs agents des forces de l'ordre ont été blessés, a indiqué le ministère. Des manifestations y ont dégénéré hier, dimanche, à la suite d'une altercation entre un chauffeur de camion et un officier de police, qui lui avait confisqué ses papiers et son téléphone portable, ont raconté des témoins. Cependant, selon des témoignages concordants, au moins quatre personnes ont été tuées hier, dimanche, par balle à Kasserine, et au moins quatre autres la veille à Thala. Ces sources ont affirmé que le bilan devrait s'alourdir en raison d'un «grand nombre de blessés graves», alors que des syndicalistes ayant requis l'anonymat ont fait état, hier, dimanche, de 35 morts entre Thala, Kasserine et Regueb, dans la région de Sidi Bouzid. Un dirigeant de l'opposition, Ahmed Nejib Chebbi, a, quant à lui, annoncé au moins vingt tués par balle et appelé le président Zine El-Abidine Ben Ali à ordonner un «cessez-le-feu immédiat». «Les informations qui nous proviennent de Kasserine et Thala font état d'au moins vingt morts tombés sous les balles depuis samedi», a déclaré Ahmed Nejib Chebbi, chef historique du Parti démocratique progressiste (PDP, opposition légale). «On a tiré sur les cortèges funèbres», a-t-il affirmé, expliquant tenir ses informations des relais de son parti dans les deux villes. Les émeutes sont parties de Sidi Bouzid, après le suicide, le 17 décembre dernier, d'un vendeur ambulant sans permis, qui s'était immolé pour protester contre la saisie de sa marchandise de fruits et légumes. Mohamed Bouazizi, 26 ans, soutien de famille, est devenu le symbole d'une révolte sans précédent contre la précarité sociale et le chômage qui ont gagné d'autres régions, où actes suicidaires, grèves et manifestations se sont multipliés. Le gouvernement avait précédemment fait état de «nombreux agents de l'ordre blessés», indiquant que les forces de sécurité ont fait usage de leurs armes, après sommation, dans un acte de «légitime défense», lorsque des individus ont voulu forcer le siège de la délégation de Thala au moyen de bouteilles incendiaires, de pierres et de bâtons. Dans un bulletin spécial, la télévision nationale TV-7 a diffusé des images de bâtiments mis à sac à Thala, avec des équipements calcinés, des toits éventrés, des portes et fenêtres cassées. Cet accès de violence «traduit un ras-le-bol des jeunes qui sont sortis la nuit pour se venger des forces de répression et crier leur colère contre un régime qui méprise leurs aspirations», a estimé Menzli Chaabani, un opposant de Kasserine.