Refuge - Pour voir son pauvre père, il lui donnera rendez-vous au Caire chez une parente éloignée établie dans la capitale des Pharaons. Nous ne citerons pas son nom parce qu'il est connu dans le milieu de l'édition et surtout celui de la presse. Aîné d'une famille nombreuse de 9 enfants, il fera toutes ses études dans sa ville natale. Grâce à son père, qui était chauffeur de camion-benne à la voirie et qui récupérait pour lui tous les livres jetés à la décharge, le jeune homme s'ouvrit bientôt à la lecture et dévorera tous les ouvrages qui lui tombaient sous la main. Sa plume, pure et sobre, lui permettra même de travailler dans de nombreux quotidiens de la capitale. En 1993 et face à la barbarie terroriste, il quittera précipitamment le pays sans espoir de retour. A Paris, il se fera remarquer tout de suite par sa maîtrise exceptionnelle des écrivains qui ont marqué l'Algérie, entre autres Kateb, Mammeri, Camus et surtout Dib... Un premier emploi de correcteur dans une maison d'édition lui facilitera l'obtention de tous les papiers administratifs et même de faire venir son épouse et ses enfants. Les années passent. A. D. écrira une demi-douzaine de romans encensés par une critique unanime. Mais le pays lui manque. Pour voir son pauvre père, il lui donnera rendez-vous au Caire chez une parente éloignée établie dans la capitale des Pharaons. Et lorsque sa fille convolera en justes noces en Algérie, il demandera à sa femme de lui apporter une cassette vidéo de toute la cérémonie de la fête, dans ses moindres détails. Et quand sa mère rendra l'âme, il pleurera pendant des jours et suppliera ses frères de lui faire entendre au téléphone tout ce qui se passait pendant ce jour triste à la maison. C'est par un jour d'hiver qu'il reviendra dans sa ville, emmitouflé dans un large manteau pour ne pas être reconnu dehors. Il se recueillera sur la tombe de sa mère et remplira les poches de son pardessus de deux poignées de terre, celle qui recouvrait le sépulcre.