Vestige - Implanté sur une colline escarpée, le nouveau Ksar Tinemerine de Ghardaïa près de Beni Isguen, a été construit dans les années 90, avec des matériaux locaux, adaptés au climat saharien, tenant compte des commodités de l'ère contemporaine. Cette technique de construction ancestrale avec des matériaux locaux, simples et solides (murs, poteaux en pierre, voûtes..), a été inspirée, selon son chef d'œuvre et propriétaire, Ahmed Baba Ammi, «des ksour sahariens millénaires, tout en tenant compte des commodités contemporaines». Son site montagneux permettra de préserver les palmeraies (écosystème indispensable à la vie dans la région). Chaque maison a son propre plan – différent des autres – tenant compte de certains paramètres, dont les pratiques sociales et les lois «orf», l'orientation du soleil, les conditions climatiques et l'interaction entre les maisons. Il a été établi par le chef du projet, en collaboration avec le bénéficiaire, en fonction des besoins de sa famille. Ce qui fait la particularité de Ksar Tinerimene, c'est qu'il est basé sur l'idée maîtresse, à savoir que «sa conception et son aménagement doivent permettre une vie collective et harmonieuse», a expliqué Baba Ammi, lors d'une visite guidée au profit des étudiants d'architecture de Biskra, effectuée au mois de mars dans les sites historiques et les ksour de la wilaya de Ghardaïa. La philosophie de ce ksar, selon le chargé du projet, est basée sur l'implication massive des bénéficiaires, depuis la première pierre. C'est une touiza hebdomadaire et des regroupements, combinant l'effort de l'Etat et du citoyen pour construire simple, solide et sans luxe. Selon ce responsable, «ces journées de travail sur chantier, basées sur la présence du bénéficiaire et même de ses accompagnateurs, sont comptées en touiza, suivant le nombre de participants venus avec chaque bénéficiaire chaque semaine. Les photos font foi», nous a expliqué cet ex-membre élu de l'APW de Ghardaïa. Et d'ajouter : «Le citoyen doit être impliqué dans un processus en 3 phases, à savoir : la conception, la construction et par la suite la conservation. C'est inconcevable que l'architecte décide à la place du bénéficiaire qui va habiter dans sa maison. Il faut faire preuve d'initiative et réfléchir en matière urbanistique et architecturale». Réalisé avec un pragmatisme et une rationalité dans la gestion et le calcul strict des coûts, et même une utilisation rationnelle de l'espace, Ksar Tinerimene compte 70 habitations dont chacune a son propre plan, différent des autres. S'étendant sur une superficie de 100 m2 occupés par leurs bénéficiaires, de la classe moyenne et démunie, ces logements ont une cour de 9 m2 et une terrasse accessible. Ksar Tinerimene compte aussi un théâtre de verdure. A long terme, cette expérience visera, selon Baba Ammi, l'application de cette approche à d'autres secteurs (agriculture, emploi...). L'urbanisme conditionne la société de demain Totalisant un coût global de 381 100,00 DA, le logement a été basé sur un montage financier de 200 000,00 DA de l'aide de l'Etat (CNL) en matériaux,121 000,00 DA de la part du ministère de la Solidarité nationale. Le reste, soit 60 000,00 DA ,est l'apport personnel du bénéficiaire qui a lui-même collaboré à la construction de son logement. «Toute l'organisation du projet est basée sur le chef du projet ‘'bénévole'' et l'association promotrice Touiza Beni-Isguen», nous a expliqué le chef du projet. Ingénieur en génie civil et concepteur de ce Ksar depuis 1993, Ahmed Baba Ammi a permis, entre autres, la conception du montage financier, la conception des plans assemblant architecture et génie civil, le recrutement des ouvriers et l'organisation et le suivi des chantiers. L'association Touiza, quant à elle, a fait participer, chaque vendredi, les bénéficiaires, même les handicapés, afin de les impliquer dans leurs gestes associatifs, leur inculquer le compter-sur-soi et le travail en groupe et ainsi, la cohabitation future. «Le bénéficiaire ayant atteint les 60 touiza, procède au choix de sa propre maison. S'il atteint les 120 touiza, il en reçoit les clés». Baba Ammi a tenu à expliquer que cette architecture n'était pas du folklore. Pour lui, «l'urbanisme conditionne la société de demain. Il doit traduire toutes les valeurs de la société. Il y a tout un ensemble de valeurs immatérielles humaines qui doivent figurer dans cet urbanisme en tant que valeur matérielle».