Les Ksour du sud, patrimoine architectural et témoins millénaires de l'habitat saharien, nécessitent une restauration globale à mener par des spécialistes en collaboration avec la population locale, soulignent des spécialistes locaux. Abdelwahab Arabaoui, architecte au service technique de l'APC de Taghit, près de Bechar, de 2002 à 2010, dénonce le procédé de restauration adopté en 2002 qui a, selon lui, "ignoré les travaux de recherches d'architectes indépendants lors de l'élaboration des cahiers des charges". A cela s'ajoute la "non conformité" des matériaux utilisés ainsi que la "mise à l'écart des propriétaires" du ksar qui ont disqualifié le procédé dont les limites ont été clairement démontrées lors des crues de 2008. Interrogé sur la nature de ses travaux, l'architecte dévoile à l'APS des plans de l'état initial du vieux ksar établis par le groupe de recherche indépendant Mita dont il fait partie. Le cahier des charges élaboré par ces architectes décrivait "minutieusement" les procédés de préparation de l'argile et des troncs de palmiers utilisés dans la construction. L'étude insiste sur le timbre architectural berbèro-arabe qui a été adapté par les anciens pour faire face aux conditions climatiques de la région et garder une température agréable à l'intérieur du ksar grâce aux matériaux choisis. L'étude englobait aussi un relevé des peintures décoratives berbères quecontenait certaines maisons et qui ont été masquées par les peintres en charge de la restauration. Selon lui, le manque de personnel qualifié à tous les niveaux de la restauration et l'absence de formation ont conduit au "désastre" de 2008 à Taghit n attendant d'autres "catastrophes" similaires dans d'autres Ksour restaurés suivant le même procédé et qui ont été jusque là épargnés par les intempéries. Présenté à qui veut l'entendre, les travaux de cet architecte, natif du vieux ksar et qui travaille selon sa propre expérience et ses convictions, ont été refusés pour des raisons de propriété intellectuelle vu que les institutions n'acceptent pas les travaux des indépendants et refusent de consulter les propriétaires en dehors des bureaux d'études agréés. L'implication de la population locale devrait, selon lui, parer au manque de spécialistes en restauration. Engager des jeunes de la région, supervisés par les plus âgés, pour préparer les matériaux et participer aux travaux de construction ou de restauration, est un concept qui participerait à l'absorption du chômage et permettrait de préserver au mieux le patrimoine saharien. Interrogé sur les Ksour disparus à proximité de Taghit et sur les falaises de "Djebel Baroune", Abdelwahab Arabaoui insiste sur la possibilité de récupération de ces cités grâce aux nouvelles techniques de restauration et de reconstruction en terre. "Les Ksour abandonnés sont facilement récupérables du moment que leur architecture n'a pas été modifiée et que leurs fondations sont encore visibles" confirme l'architecte qui compte beaucoup sur l'implication de la population. Des innovations propres qui ne détériorent pas les Ksour Plusieurs projets moisissent dans les tiroirs de l'architecte et ne trouvent pas preneur telle que la transformation d'une grande maison du ksar en bain chauffé à l'énergie solaire afin d'éviter les aménagements effectués dans les maisons. Innovant, Abdelwahab Arabaoui, en collaboration avec des universitaires étrangers, est parvenu à modifier l'argile avec des additifs chimiques la rendant imperméable et plus durable. "Ce projet pourrait éviter à l'Etat de débloquer des budgets de restauration à chaque crue", conseille-t-il. Ce genre d'études menées par plusieurs architectes de différentes nationalités ont abouti à l'apparition, en France, du Béton de terre stabilisé (BTS) matériau à base de terre crue stabilisée avec de la chaux, du ciment ou des fibres végétales. Naturellement isolant, le BTS est déjà en vogue en Europe comme le montrait l'exposition algérienne "Architecture de terre et d'argile".... Ce genre de projet pourrait même aboutir à la création de micro entreprises artisanales spécialisées dans la préparation d'argile, de BTS, de poutres ou de tiges de palmier utilisées dans la construction ancestrale. Aujourd'hui, avec la création de son propre bureau d'étude à Tindouf, l'architecte a déposé un projet d'hôtel à l'entrée de Taghit totalement bâti selon les normes originales de l'habitat saharien et complètement autonome sur le plan énergétique. Son nouveau statut lui a permis aussi de soumissionner pour la restauration de Ksour à Tindouf et à Bechar.