Le Japon est un pays très pauvre, mais les Japonais sont très riches. L'Algérie est très riche, mais les Algériens sont très pauvres. Quelle extra-ordinaire corrélation ! L'Algérie, dans sa configuration actuelle, a pris forme lors de la colonisation. Elle est constituée essentiellement d'Arabo-Berbères, d'un apport négroïde et de zestes de Romains, de Carthaginois, de Phéniciens, de Vandales— qui ne sont jamais repartis — et de Turcs. Les Berbères, comme dans tout le Maghreb, sont la population de souche. Hormis ceux qui vivent dans les régions montagneuses ou dans le Grand Sud, beaucoup d'entre eux ne sont plus berbérophones. Les Arabes, contrairement à ce que l'on croit, ne se sont pas installés dans le pays lors de l'islamisation, mais plus tard, il y a un millier d'années. C'étaient les Bani Hilal et les Beni Soleim envoyés par les Fatimides en représailles contre les Zirides. Il subsiste aujourd'hui des Arabes de souche, des Berbères de souche et le produit des deux, les Arabo-Berbères. Le peuple algérien peut s'enorgueillir, à l'instar des autres peuples de la région, d'avoir eu un passé qui a compté dans l'histoire universelle, bien avant que ne se forment ses frontières actuelles. Des vicissitudes de toutes sortes et de grandes épopées ont jalonné l'histoire de cette contrée qui fut l'objet de la convoitise de peuples plus forts et qui ont fait main basse sur ses richesses, un occupant chassant l'autre. Puis vinrent les temps modernes et la colonisation française. C'est alors que l'actuelle nation algérienne prit conscience de son existence et que les hommes qui étaient enchaînés sous le même joug se dressèrent contre l'oppression en un combat admirable. Un drapeau fut conçu par Messali Hadj le Tlemcénien, un hymne national fut écrit par Mufdi Zakaria le Mozabite, des hommes et des femmes de toute ethnie, de toute origine et de tout le pays se levèrent comme un seul homme mêlant leur sang, leur douleur, mais aussi leurs rêves et leur joie lorsque la liberté fut enfin arrachée. En 1962, l'Algérie se réveilla d'une longue nuit coloniale. Le peuple pleurait et riait en même temps. Le monde entier acclamait la victoire des opprimés sur la force brutale. Les horizons étaient radieux et l'aurore s'annonçait belle pour ce peuple qui était cité en exemple pour ses grandes vertus. Mais le rêve n'allait pas tarder à s'estomper. Derrière le peuple combattant, des charognards, tapis dans l'ombre, allaient lui ravir sa victoire en le trompant jusqu'à l'amener à renier ses plus beaux idéaux. Un sombre crépuscule allait tomber avant que le jour naissant ne remplisse ses promesses. Mais ces forfaitaires et ces trahisons ne furent possibles que parce que l'Algérie était pleine de richesses et que les immondes charognards pouvaient en disposer à leur guise pour dénaturer, corrompre et diviser. Question : Et si l'Algérie était pauvre.