«Qui trop embrasse, mal étreint» (proverbe du Moyen-Age) A Oran, il y a un phénomène qui s'est fait jour. Alors qu'il y était d'usage de se faire quatre bises, beaucoup de gens préfèrent maintenant se donner l'accolade et se tapoter dans le dos. Cette expression de l'affection est beaucoup plus vraie, plus sincère. C'est, paraît-il, un retour aux sources. Pour d'autres, c'est plutôt une attitude due à l'influence du regain islamiste. En tout cas, tout le monde serait bien avisé d'en faire de même ou du moins de s'embrasser un peu moins. Nous devons, d'ailleurs, de toute l'humanité, être le peuple qui se bécote le plus juste pour la forme et sans que cela signifie que nous nous aimons particulièrement les uns les autres ou que nous sommes contents de nous retrouver. Plus qu'une habitude conviviale, c'est quasiment un tic. On embrasse à vue. A bout portant. Nos baisers et nos embrassades sont des bidules jetables qu'on distribue sans compter. A Sétif, par exemple, c'est vraiment une obligation pour tout le monde de se faire la bise chaque matin. Il n'y a que les étrangers qui en sont exemptés. Le fait de s'en dispenser peut même être mal interprété et celui que vous avez privé du contact de votre joue et du son de votre bécot peut même s'en offusquer, le prendre comme un geste d'hostilité ou de mépris. Quant aux poignées de main qui sont en quelque sorte la menue monnaie des bises, les gens en échangent à longueur de journée, à chaque fois qu'ils se croisent, même sans se connaître, quand ils demandent l'heure ou leur chemin ou en rentrant dans une salle d'attente où ils se croient obligés de serrer machinalement et sans conviction la main de tous ceux qui s'y trouvent. Essayez de compter le nombre de fois que vous faites des bises et que vous serrez des paluches en une seule journée. Les Occidentaux, qui sont moins portés sur cette forme de familiarité, hormis les Français que nous avons contaminés, n'en reviennent pas de voir combien nous passons de temps à nous congratuler avec, ce qu'ils croient être, une telle chaleur. Ils sont persuadés que nous nous adorons et que nous nous languissons les uns des autres après quelques instants de séparation seulement.