L'échange de SMS durant les fêtes de l'Aïd El Adha est devenu, en Algérie, presque un rituel, au même titre que le sacrifice du mouton. L'usage du téléphone (fixe ou portable) est relégué au second plan pour s'impliquer dans cette nouvelle formule peu coûteuse. Certains messages comportent des termes de politesse usuels. D'autres, plus créatifs, s'inspirent de notre vécu quotidien. Cependant, cette forme de communication moderne est appréciée différemment selon les milieux. Si certains la considèrent comme un outil qui rapproche les humains et les distances, d'autres estiment qu'elle ne peut pas remplacer les visites familiales. L'Aïd est une occasion de resserrer les liens, de se revoir, de partager des moments entre familles, et les SMS rendent un peu moins convivial ce rapport à l'autre. Ecartelés entre tradition et modernité, les Algériens coupent la poire en deux. Les plus jeunes, habitués à l'univers des TIC, ne se posent pas trop de questions, ils utilisent leur portable pour téléphoner et plus souvent envoyer des SMS et MMS. Histoire d'être dans l'air du temps et montrer qu'ils sont branchés, surtout ceux qui possèdent des téléphones de nouvelle génération. Les plus âgés, par contre, n'échangeraient contre rien au monde les accolades, les tapotements sur le dos, ou les étreintes. Ils mettent l'accent sur le sens religieux et social de cette fête. A leurs yeux, la technologie reste froide et impersonnelle. Elle ne crée pas seulement des exclus, mais fragilise le lien social. Quant à ceux qui utilisent Internet pour se souhaiter un bon Aïd, d'aucuns pensent aussi que c'est une manière de remplacer le réel par le virtuel, or ce sont deux dimensions différentes. Un mail est plus utile lors des échanges professionnels, mais il reste peu expressif pour se souhaiter bonne fête. On reçoit tellement de SMS et on en envoie tellement que cela devient juste un simple geste mécanique. Aucune émotion ne transparaît. On écrit quatre ou cinq mots, on les enregistre et on procède à un envoi multiple aux personnes se trouvant dans le répertoire. Or, l'Aïd reste une fête de communion où on distribue généreusement des sourires et des poignées de main, même à des personnes qu'on croise dans la rue. Ces courts messages envoyés à partir d'un téléphone mobile sont devenus le mode de communication préféré des adolescents. Ludique et discret, le SMS plaît principalement parce qu'il est codé et fait appel à une écriture abrégée ou phonétique dont les ados sont très friands. Il offre aussi l'avantage de pouvoir être archivé, relu et commenté entre amis. Comme à chaque Aïd, les trois opérateurs (Djezzy, Nedjma et Mobilis) enregistrent un trafic SMS très important au cours des deux jours de fête. Des statistiques seront communiquées à la presse quelques jours après les festivités. Chaque opérateur tentera de démontrer qu'il a été le plus performant et qu'il a enregistré des pics. Un argument marketing pour soigner l'image et fidéliser les actuels abonnés. Pour éviter de provoquer des embouteillages sur les réseaux, ils régulent les envois en retenant les messages pendant quelques minutes avant de les renvoyer aux destinataires. D'après les opérateurs, en temps normal, «90% des SMS sont des messages personnels et 10% d'origine professionnelle». C'est dire la part du client grand public par rapport au corporate. Le portable fait partie d'un univers culturel fait d'immédiateté, de spontanéité et de sensations rapides. Idem pour Facebook et les réseaux sociaux qui sont devenus des canaux très prisés pour se souhaiter un chaleureux Aïd, fut-ce virtuellement et sans les quatre bises réglementaires par personne. On y retrouve des modèles de citations toutes faites et même des caricatures ! Plus qu'une mode, c'est une tendance lourde qui revient à chaque occasion religieuse. Le débat entre les pour et les contre fait rage, mais fait aussi l'objet d'observations sociologiques. La génération «connectée» a du mal à se séparer des outils technologiques de communications et même pendant l'Aïd, elle n'arrive que difficilement à vivre dans le monde réel.