Vécu, Nabila se regarde dans la glace un bon moment ne pouvant s?empêcher de faire la moue. Certes, elle a à peine entamé la trentaine, mais l?image que lui renvoie son miroir ne la réjouit pas beaucoup. Elle se détourne brusquement en soupirant. Dans très peu d?années, elle pourra dire adieu à ce qu?elle peut encore percevoir comme fraîcheur sur son visage et son corps. Et dire qu?elle n?a toujours pas rencontré l?âme s?ur. Enfin, si, mais ça c?est une autre histoire. Pas le temps de déprimer. Se hâtant en jetant un regard inquiet à l?horloge sur le mur d?en face, la jeune femme enfile rapidement son manteau et prend son sac à main. Quittant l?appartement qu?elle partage en colocation avec son amie Salima en plein centre d?Alger, elle traverse rapidement la rue et manque de se faire renverser par une voiture. Le c?ur battant, elle s?arrête et regarde le chauffeur qui a freiné dans un crissement de freins assourdissant. Visiblement, la colère de l?homme est aussi grande que sa propre frayeur. «Vous ne pouvez pas faire plus attention non ? Mais vous êtes malade !» Encore sous le choc, Nabila n?arrive pas à sortir le moindre son. De toute façon, elle est dans son tort. Elle le sait. Prenant conscience de son émotion, l?homme lui dit : «Bon, ça va. Apparemment, il y a eu plus de peur que de mal. Soyez plus prudente quand même la prochaine fois.» Murmurant quelques mots d?excuses inintelligibles, la jeune femme reprit son chemin non sans avoir enregistré au passage et presque inconsciemment que les yeux qui la scrutaient en ce moment avec inquiétude étaient les plus doux qu?elle avait jamais vus. Elle se dépêche vers son arrêt de bus se demandant pourquoi elle s?arrangeait toujours pour être en retard. Dans son bureau où elle s?acquitte de ses tâches devenues routinières d?assistante sociale, les heures défilaient rapidement. Nabila aime beaucoup son travail, même si elle trouve que la rétribution n?est pas à la mesure des efforts fournis. Vers 16h, elle reçoit un coup de fil de Salima qui propose de passer la récupérer à la sortie des bureaux. Cadre à la Sonatrach, son amie gagne mieux sa vie qu?elle et, de ce fait, avait pu s?acheter une voiture. Ce n?est pas seulement à ce niveau-là que Nabila s?efforce de ne pas envier Salima. L?insouciance de cette dernière, sa façon de prendre la vie avec désinvolture suscitent l?admiration de son amie à qui, d?ailleurs, elle manque rarement de faire des remarques, à la limite de l?ironie. «Tu prends la vie trop au sérieux. Décoince-toi un peu. Cela te fera du bien.» Est-elle vraiment coincée ? Pour la énième fois, Nabila se pose la question alors qu?elle dévalait les escaliers pour retrouver son amie. Souriante, celle-ci lui fait de grands signes par la portière de la voiture au parking. «Salut ! bonne journée ?» «Normal, rétorque Nabila en s?installant sur le siège avant, et toi ?» «Pareil si tu veux parler de travail, répond l?interpellée en man?uvrant pour sortir du parking. En revanche, sur un plan plus intime, j?ai une grande nouvelle à t?annoncer». Les yeux brillants, le sourire aux lèvres, Salima se tourne vers son amie. (à suivre...)