Le quatrième jour, ils couchèrent le corps de la princesse dans un cercueil en pur cristal et le portèrent dans la forêt. Ils ne voyaient plus rien à travers leurs larmes et trébuchaient sans cesse, mais ils parvinrent néanmoins dans un labyrinthe de rochers où ils plantèrent six colonnes, sur lesquelles ils suspendirent le cercueil avec des chaînes d?or. ? Dors, chère s?ur, belle princesse. Ton prince Youcef ne te prendra plus jamais dans ses bras, ton aimable sourire ne nous enchantera plus. Dors, s?urette, tu appartiens à Dieu désormais. Au palais, la reine se regardait dans son miroir. ? Miroir, précieux miroir, dis-moi qui est la plus belle ? demanda-t-elle. C?est toi, ma maîtresse, répondit celui-ci. La méchante femme se mit alors à danser et à tourbillonner comme un vol de papillons multicolores. Le prince Youcef était accablé par le chagrin. Il errait de par le monde. Certains le prenaient pour un fou, d?autres riaient de lui, mais rien n?altérait son désir de retrouver sa bien-aimée. Un jour, épuisé par une longue marche, il s?allongea dans l?herbe, les yeux levés vers le ciel. ? Cher soleil, murmura-t-il, tu voyages du matin au soir, tu regardes la fourmilière humaine, tu peux voir chaque coin perdu de la terre, aie pitié de moi. N?as-tu pas vu quelque part la jeune princesse, ma belle fiancée ? Le soleil secoua sa tête dorée. ? Je suis vraiment désolé, répondit-il, mais je n?ai vu ta belle fiancée nulle part. Qui sait si elle est encore en vie? Peut-être qu?elle se cache pour je ne sais quelle raison, peut-être veut-elle tout simplement te faire souffrir un peu. Ou peut-être encore ne sort-elle que la nuit? Demande à la lune, elle voit tout ce qui se passe la nuit. Le jeune prince remercia le soleil et attendit patiemment la venue de la nuit. ? Lune, appela-t-il dès qu?elle se montra au-dessus des montagnes, voyageuse nocturne, tu marches dans la foule des étoiles, tu chasses les ombres noires de la nuit, tu vois tous les coins sombres. N?as-tu pas aperçu ma belle fiancée ? Mais la lune secoua sa chevelure argentée. ? Je suis désolée, dit-elle tristement, mais je ne l?ai pas vue. Peut-être est-elle passée au moment où le vent m?a soufflé de la poussière dans les yeux. Lui qui est partout te sera sûrement de bon conseil. Youcef partit aussitôt à la rencontre du vent : ? Vent, cher vent ! lui dit-il. Tu chasses les nuages dans le ciel et les vagues à la surface de la mer, tu passes à travers chaque fente, tu sais tout, tu as été partout. n?as-tu pas vu ma chère et belle fiancée ? ? Je suis navré de t?apprendre une si mauvaise nouvelle, dit le vent en soupirant. J?ai vu ta fiancée. Elle repose dans un cercueil de cristal au c?ur d?un labyrinthe de rochers. Elle est pâle et inanimée. Et le vent s?envola au loin, laissant le prince à son chagrin. Celui-ci resta longtemps immobile, foudroyé par la douleur, puis il réunit ses dernières forces pour enfourcher son cheval et partit chercher la tombe de sa fiancée. Il voulait voir, encore une fois, son beau visage et lui faire un dernier adieu. Son voyage fut long et difficile, mais il finit, un jour, par arriver en vue du labyrinthe de rochers. Dans le cercueil de cristal, suspendu par des chaînes d?or, reposait la belle princesse. Elle avait l?air de dormir. Le prince ne put retenir son chagrin. Il se jeta sur le cercueil et frappa de ses poings avec une telle violence que le cristal se brisa. La belle princesse soupira et ouvrit les yeux ! ? J?ai dormi si longtemps ! s?étonna-t-elle. Elle trembla et tendit les bras vers Youcef qui la serra contre son c?ur, la couvrit de baisers, puis la souleva et l?emmena très loin du labyrinthe de rochers, dans une prairie inondée de soleil. Quelques instants plus tard, ils galopaient ensemble vers la cour du roi. La reine, comme chaque matin, contemplait son reflet dans son miroir. ? Miroir, précieux miroir, dis-moi qui est la plus belle ? ? La plus belle est la jeune princesse, répondit le miroir. La reine poussa des cris de démente et jeta au loin son miroir qui alla se briser contre un mur. Puis, elle sortit de sa chambre et se trouva face à la jeune princesse. Elle était plus belle que jamais, et l?éclat de cette beauté fut si intense que la reine ne put le supporter. Son c?ur jaloux et méchant s?arrêta de battre. Elle tomba par terre comme une herbe coupée. Que vous dire de plus ? La noce fut magnifique, on dansa, on se régala de plats exquis, on but de délicieuses boissons rafraîchissantes. Le soleil en personne souhaitera bonheur et amour au prince Youcef et à sa belle et tendre femme.