Rencontre n Une conférence a réuni, jeudi au CCF, le sociologue de l'Université de Constantine Abdelhafid Hamdi-Cherif, chercheur à l'institut Maghreb-Europe, et Jean-Claude Kaufmann, directeur de recherche au Cnrs. La rencontre autour du thème devenu objet de mode actuellement mais aussi de controverses, des identités, s'est attaché à mettre en lumière une problématique qui peut, selon les sens qu'on lui accorde, s'avérer lourde de conséquences. C'est pourquoi dès son préambule, le chercheur algérien a tenu à faire un lien entre l'identité individuelle et celle collective. L'axe de recherche étant orienté pour ce professeur sur ce qu'il appelle «l'illusion identitaire», il parlera d'emblée du nécessaire va-et-vient entre ces deux identités qui ne sont pas aussi différentes qu'elles n'y paraissent. En s'interrogeant sur les raisons qui font que la question identitaire est au centre de toutes les réflexions en ce sens qu'elle est de plus en plus centrale, il retiendra trois éléments explicatifs : 1- la situation post-coloniale, 2- la fin du monde communiste et 3- la mondialisation. Selon notre orateur, ces trois points ont redonné une nouvelle acception au terme identité. C'est en effet, après la Seconde guerre mondiale, à la fin des empires coloniaux que de nouvelles identités nationales voient le jour et vont surtout rendre complexe la situation dans la mesure où ces identités ne sont pas comprises entre les frontières de l'identité politique et culturelle. Le concept de «qui sommes-nous ?» se pose alors avec acuité : «Qui sommes-nous si nous sommes à la fois Arabes, Algériens, musulmans ?», dira-t-il. En d'autres termes comment chacun de nous interprète les nations identitaires d'arabité, d'amazighité, d'islamité ? Est-ce de la même identité que l'on parle quand on évoque «l'arabité de l'association des Oulémas et celle de la poésie d'El-Malhoun, l'islam des salafistes et celui des modernistes, il en va de même pour les groupes qui se disputent le contenu de l'amazigité», expliquera-t-il en notant que ces identités nouvelles s'imposent en remettant en cause la centralité européenne. «Finalement il y a des surgissements dans l'histoire qui font appel à des temporalités multidimensionnelles, dans ces dernières, il n'y a plus de critère d'unicité», a-t-il remarqué. Il faudra ajouter à cela, le second point, qui est que la fin du régime communiste a plongé le monde dans une unipolarité : «ce qui fait que les individus et les cultures ont peur de se perdre et se rattachent à des identités premières comme la religion», a-t-il expliqué. La mondialisation enfin, va créer une sorte de porosité ou d'étanchéité dans la circulation des informations, ce qui aura pour effet négatif de générer de l'angoisse. Une angoisse qui aura pour effet d'affaiblir la souveraineté des Etats. La symbolique identitaire s'en ressentira au point qu'apparaîtra la crise identitaire. Toute aussi riche et instructive a été la communication de Jean-Claude Kaufmann qui explicite sa théorie de l'identité par la notion «d'invention de soi», mettant l'accent sur tout le travail qu'exerce un individu sur sa propre existence en se créant à loisir une «identité narrative», sorte d'implosion individuelle où le je se raconte par rapport à son histoire et à une réalité donnée.