Evolution n Ce siècle apparemment est à la vitesse. Tout le monde bouge y compris les mendiants. Certains parmi eux ont fait de la charité une profession. Comme cette femme à l'Ouest du pays que débarque, chaque matin, de bonne heure, son mari dans une ville voisine où ils ne sont pas connus. Pendant que son mari travaille dans une entreprise, l'épouse vêtue de hidjab pour la circonstance, mendie adossée au mur, sur le trottoir d'une grande avenue. Le soir, son mari la récupère toujours en voiture et la journée, à l'évidence, est toujours bien remplie puisque l'épouse ne rentre jamais les mains vides. Certaines mendiantes évitent par précaution d'opérer dans le même quartier surtout quand il s'agit d'une grande ville. Elles changent d'endroits toutes les semaines. Souvent, elles se déplacent de ville en ville dans la même wilaya pour se faire «oublier» dans l'une et se «faire» de nouveaux «clients» dans l'autre. A force de jouer au simplet un peu darwich sur les bords, un mendiant qui «officiait» dans le quartier huppé de Hydra à Alger où on a fini par le découvrir sous son vrai jour, a tout simplement changé de wilaya puisqu'il joue aujourd'hui la même comédie à Oran. L'idéal pour un mendiant quand il a toutes ses facultés, et c'est le cas de tous pratiquement, c'est de pouvoir toucher le maximum de gens dans le minimum d'espace et ce, tous les jours. Cette quadrature du cercle, quelqu'un pourtant l'a résolue : il a une quarantaine d'années, il est bien portant et vraisemblablement très intelligent. Son procédé est très simple : il prend le train à la gare de Blida, paie bien sûr sa place en deuxième puis passe dans tous les wagons pour demander l'aumône. Aucun compartiment n'est oublié pas même le wagon restaurant. Et comme il y a toujours des âmes sensibles, il terminera sa course à Khemis Miliana avec un joli pactole qui lui permettra de faire ses emplettes, couffin à la main en attendant le prochain train de retour sur Blida. Et dans ce train évidemment il répétera la même opération. Résultat des courses une fois rentré à la maison : un couffin rempli de provisions et une poignée de pièces de monnaie qui lui permettront de tenir jusqu'au lendemain. De jeunes chômeurs se sont apparemment inspirés de cet exemple, mais au lieu de tendre la main, ils proposent aux voyageurs dans les deux sens café chaud, thé, gâteaux casse-croûte, cigarettes et mouchoirs de poche. Aucune loi n'interdit ce genre de pratique et les contrôleurs compatissants ferment souvent les yeux, l'essentiel est que ces itinérants aient un billet de voyage en bonne et due forme. Quant à la mendiante rurale, qui existe, elle aussi, elle s'achemine de plus en plus vers une espèce de «spécialisation». La charité dans les cafés du village ne nourrissant pas son homme, de nombreux «professionnels» de la manche ont carrément opté pour les souks hebdomadaires qu'ils suivent de commune en commune durant toute l'année. Il viendra peut-être un jour, qui sait, où ils demanderont l'aumône… par Internet.